22 février 2011

L'asociété de l'esprit

A toi l’étranger.

J’allais te répondre, tu sais. Ma réponse était prête, mesurée, étayée. Elle était médiocre comme l’était ton message, mais comme lui elle aurait probablement été lue et approuvée. La conversation aurait pu se poursuivre, mais la voix a été la plus forte.

Pas cette voix qui chuchote “tue-les, tue-les tous”, non, l’autre, la froide. La voix au goût de vide, celle qui creuse ses mots dans le tissu de la réalité et ne laisse dans leur espace qu’un néant insondable. La voix de l’entropie.

“A quoi bon ?
Pourquoi écris-je ce message ? Que suis-je en train de prouver, et à qui ?
Cette conversation est insignifiante, rien n’en sortira, aucun de nous n’en apprendra rien.
Je le sais.
Et pourtant, je souhaite continuer ? Pourquoi ?
L’espoir ?
Non.

Je suis en train d’affirmer ma place dans l’ordre des choses. Il y a les pour, et il y a les contre, et ceci est ma carte de membre. En te répondant, je rentre dans le club. Rien d’autre n’en sortira.”

Mais je refuse. Il existe un niveau en moi, une couche intellectuelle maladive et mal ajustée, refusant obstinément la nature des choses. Ma nature.
Je suis un être social, et je méprise mes instincts sociaux. Je les rejette et me porte à l’opposé, dans le seul groupe intellectuellement satisfaisant : le groupe des gens qui n’appartiennent à aucun autre groupe. Brassens, à ma rescousse mon vieux moustachu ! “Bande à part, sacrebleu, c’est ma règle et j’y tiens”.

Mais j’en suis loin bien sûr.
Difficile, dans cette courte bafouille, de surmonter les barrières mentales et stylistiques imposées par “je”, ce pronom illusoire et ô combien simplificateur. “Je” suis, comme tout un chacun, multiple et incohérent, et ce “je” rejetant l’instinct grégaire n’est qu’un parmi tant d’autres.

C’est lui, ce “je”, qui regarde avec mépris le reste de la société de mon esprit apprécier une fille parce qu’elle dit du bien de moi, d’une façon si peu subtile pourtant que nulle manipulation maladroite n’aurait été aussi grotesque. C’est lui encore qui regarde cette même société naïve tourner en dérision un collègue dont on m’a dit du mal. J’observe en spectateur désabusé et impuissant le fonctionnement simpliste de mon esprit.

Alors, à quoi bon te répondre ?
A quoi bon prendre position ?
Plus je vieillis, et plus mon ignorance et ma stupidité m’apparaissent comme évidentes, et me poussent au silence.
Je me rappelle bien de ma dernière conversation complexe - ou bien était-ce un monologue ? Cette sensation de jeter les mots comme de la poudre au yeux, de faire illusion plus que de progresser. La parole est sociale, j’ai affirmé mon rang. Mon interlocuteur n’a pas vu l’abysse de mon ignorance, la fragilité de mon argument. J’ai marqué des points. C’était il y a plus de six mois.

Seuls les faits sont acceptables, tangibles, vérifiables.
Je corrige les faits, et laisse intact l’édifice branlant d’un argument incohérent et mal précisé. C’est ma petite concession à l’instinct social : j’apporte ma petite pierre, et laisse les autres construire sur le vide.

Ainsi est ce “je” qui n’est qu’un parmi tant.
D’autres pensent autrement.

27 octobre 2010

Adblock et la reine rouge.

Vous ne connaissez peut-être pas tous Adblock, le plugin Firefox permettant de filtrer les publicités sur des pages web en inspectant l’adresse des éléments composant la page.

Pourtant certains sites Web commencent déjà à détecter les utilisateurs d’Adblock (ou logiciels apparentés), souvent dans le but de bloquer l’accès au site aux personnes non-génératrices de revenus publicitaires. On vous encourage alors à ajouter le site à votre liste blanche, ce qui revient, pour vous, à afficher le site sans publicités bloquées.

Je ne pense pas que l’idée d’ouvrir un débat sur la légitimité ou non du blocage des publicités Web soit bonne, et je laisserai le soin à chacun de décider en son âme et conscience de la chose. Penchons-nous plutôt sur l’aspect technique.

Les scripts anti-Adblock visent principalement à inspecter les éléments de la page afin de détecter si ceux-ci ont été bloqués, remplacés ou même simplement cachés. S’il est possible de s’assurer du téléchargement d’un contenu publicitaire côté serveur, un script s’exécutant sur le navigateur reste indispensable afin de s’assurer que les éléments publicitaires ne sont pas simplement cachés sur la page affichée. Ce script est lui-même facilement bloquable aussitôt identifé, et il est donc envisageable qu’une course aux armements s’engage, course à l’intensité toutefois modérée par la faible proportion d’internautes impliquée.

Mais à ce petit jeu, les webmestres jouent perdant du fait de l’inégalité des solutions techniques accessibles de part et d’autre. Un serveur Web est un fournisseur de contenu, répondant à des requêtes lancées par les navigateurs. S’il est possible de contrôler dans une certaine mesure la présentation et le comportement du contenu dans le navigateur, par le biais de scripts, il reste que ces scripts s’exécutent dans un environnement protégé, cloisonné, et n’ont accès qu’aux informations que le navigateur veut bien leur donner. Le navigateur contrôle totalement le comportement et l’apparence du contenu présenté, et le navigateur obéit à l’utilisateur qui l’a installé sur sa machine.

Il paraît donc envisageable de créer une version sophistiquée d’Adblock qui ne se contenterait plus d’altérer le contenu d’une page, mais modifierait également les informations mises à disposition aux scripts de la page afin qu’aucune des altérations effectuées par Adblock ne leur soit visible.

Une version extrême consisterait à utiliser deux représentations internes en parallèle de la page - une version invisible, sans blocage de publicités, sur laquelle les scripts s’exécuteraient, et une version livrée au moteur de rendu, identique à ceci-près que seul les actions des scripts y seraient appliqués, c’est à dire les opérations provoquant un changement d’état dans la représentation mémoire de la page, version dépourvue des éléments filtrés.

Resterait alors aux webmaster la solution d’inclure dans les noms des éléments non-publicitaires de la page des mot-clés filtrés afin de forcer les utilisateurs d’Adblock à désactiver leur filtre pour voir la page. Une telle solution, appliquée épisodiquement, serait peu efficace car les filtres sont mis à jour régulièrement et sont suffisamment souples pour s’adapter à ces sites sans perte de généralité ou presque.

Il est toutefois envisageable qu’un webmaster particulièrement motivé décide de modifier son serveur afin qu’il fournisse toujours des éléments non-publicitaires bloqués par la dernière mouture des filtres Adblock. Il suffit pour cela de télécharger automatiquement le nouveau fichier de règles Adblock, et de générer des noms correspondant à une des règles présentes, voire à plusieurs règles trouvées dans plusieurs filtres différents.

Le changement des noms des éléments non-publicitaires d’une page n’est théoriquement pas très difficile à gérer côté serveur, même s’il demande du travail. Il faut probablement prévoir à chaque changment des noms des éléments d’une site une phase de transition difficile pour les gros sites s’appuyant sur des serveurs de cache (à moins de modifier le serveur de cache de conserve, mais le projet prend alors d’autres proportions), mais il est envisageable d’effectuer la transition aux heures de traffic faible, ou progressivement, sur une portion croissante des requêtes.

Il serait probablement plus intéressant pour le webmaster d’utiliser une méthode analogue pour changer le nom des éléments publicitaires afin qu’il ne correspondent à aucune règle de filtre, mais les éléments publicitaires sont la plupart du temps fournis par de tierces parties n’offrant pas ou peu de contrôle sur leur contenu distribué. On pourrait toutefois se demander pourquoi les régies publicitaires n’ont pas d'ores et déjà appliqué cette méthode, et je pense que la réponse est simplement qu’Adblock demeure trop peu répandu pour que le problème justifie les investissements de R&D et le coût en terme de capacité de traitement de leurs serveurs. Pour l’instant.

Au final, le problème du blocage des publicités web, comme celui des spams et bien d’autres, est un problème de classification. Si l’emploi de bloqueurs de publicité se généralise au point que les régies publicitaires et autres sites populaires tirant une grande portion de leurs revenus de la publicité ne peuvent plus l’ignorer, elle feront en sorte de rendre la classification correcte des éléments de la page difficile, et certainement impossible avec de simples expressions régulières.

Restera, côté navigateur, la possibilité de laisser l’utilisateur choisir quel contenu bloquer (en le sélectionnant d’un clic par exemple), et d’apprendre au fur et à mesure à reconnaître les éléments à bloquer. Le problème de l’apprentissage est toutefois bien plus complexe que dans le cas de spams, car le contenu en question peut être entièrement graphique plutôt que textuel.

Tout comme il y a eu celui des pages d’accueil avec un bouton ‘Entrer sur le site’ et celui du partage de fichiers en P2P sans risques, nous vivons aujourd’hui un âge d’or du blocage des publicités sur le web, âge d’or dont la pérennité est avant tout garantie par la faible proportion d’internautes impliquée. Il est techniquement envisageable pour les fournisseurs de contenus de rendre beaucoup plus difficile le blocage de publicité automatique et fiable, au prix toutefois de coûteuses refontes logicielles, refontes qui prendont de toute façon du temps avant d’être mises en places si elles le sont jamais.

En attendant, je croise les doigts, et profite d’un Internet sans pubs ou presque.
Pour vivre heureux, vivons peux nombreux.

19 octobre 2010

The face of God - A cautionary tale.

Bonjour très rares et donc chers lecteurs.
Comme vous le remarquerez probablement assez vite, j'ai décidé d'écrire ce billet en anglais. Non pas que j'aie la prétention de maîtriser la langue de G.W. Bush aussi bien que ma langue natale, mais je souhaitais diffuser à des amis non-francophones mes élucubrations du soir. J'espère que vous voudrez bien me pardonner cet écart impardonnable.


There once was a man who had decided he wanted to see the face of God.
“God, he said, what does your face look like? Does it look like mine at all?
- I could show you, answered God, but the mere sight of it would blow your tiny mind. Get some more brains, then will the answer come.”
And so did the man start working.
“Supreme being, or whatever your name is, I’ve done my homework”, he shouted to the clouds one night. “See how smart I’ve become? I make tools, I kill stuff with it, how about we spend some time face to face, you and I?
- Now now, look how smart you’ve become, you break rocks in specific patterns, and, oh wow! My charts say, I'm not sure if I even believe it, but they say you store dead bodies underground? Well, that’s genius, or my name is not (untranscribable)” , and as God answered, divine sarcasm resounded into the man’s mind and shook it like a diplodocus would shake a twig.
“Ok, ok, I get it, said the man. I’ll get back to work”.

And work he did. But when he was not busy building pyramids, or other kinds of pyramids, or creating civilization, the man still found some time to try and take what he called “educated guesses” at what God’s face might look like.
“That’s what you call ‘educated’?” asked God one day.
“Well, that’s easy for you to criticize, replied the man. Not everybody here is all-knowing, all-seeing and more generally all-all-doing. Some of us have to actually work on stuff, you know.
- Yeah, yeah, I know, just teasing you, relax, you’re getting there. But if I were you, I’d work on that ‘education’ of yours. There is no worse blind that he who pretends he can paint portraits.”

When the man came back on top of some moutain to talk to God, he meant business.
“It’s face time, G man. Look how super smart an ape I have become right now. I’ve found out that I am an ape, I’ve proved that apes are made of stuff, and I’ve mostly understood how stuff works. Surely, I have enough brains now to see you for what you are.
- Okay, sure, said God.
- Nah, just kidding. But you should have seen the look on your face! Well I guess you’d enjoy the look on my face more, so long as you can enjoy something that would obliterate your mind in Plank time, that is. I mean, sure, you’ve understood some stuff, and for that, yeah, congratulations. But let’s be totally honest here: are you getting smarter, or do you just know more? I mean, look how little your tiny little brain has changed, from the time you were breaking rocks in a specific way and tried to make a living out of it, to now, when you can actually afford to have people work as ‘management consultants’ and not starve to death as a species. Sure, it’s a great leap, but it’s all based on software.
You’ve improved by orders of magnitude the way you communicate, the way you move around, the way you create stuff, but you’re still running the same, old, outdated hardware. My image can’t fit in now more than it could back then, you see. But you’ll get there, some day. Keep going.

It had been a long while, now, that the man had realised he mostly kept going for the sake of keeping going. The more he tried to guess what God’s face would look like, the less his guesses looked like faces, and though he now doubted that there even was a face to see in the first place, there was no turning back from the gravity well of progress.

Not so long after their last conversation, the man went back to God, but there was something strange about him. Was it his hair? His eyes? Or maybe his fully robotic body? God was not too sure, since It rarely cared about that kind of detail, but something had changed.
“Hey God, how are we doing this eon? Good? Guess what, I’ve followed your advice.
- You’ve finally decided to love thy neighbour?
- No, the other one. I’ve upgraded myself, and let me tell you, it was no small feat. That stuff I was made of was so complicated, I was starting to think I’d never get the hang of it. But you know, little by little, I inched my way towards Truth, and here I stand now, all improved and all. How do you like my new body?
- Well, it’s much better than the old one, I’ll give you that. I didn’t dare telling you before for fear that I’d hurt your feelings or whatever you called these patterns, but this pile of organic matter you were was so clearly suboptimal, it was painful to watch you being it. I mean, what kind of animal chokes itself with food? Eating and not choking, that’s, like, living 101, how did you sleep through this one?
I tell you, this upright stance seriously fucked you up, look how easily things went wrong in the joints and tendons department, look how easily your airways got infected when they were not busy being blocked by ridiculously small pieces of food. Botched work, if you ask me.
No, seriously, nice body, dude, and I like what you’ve done with the interior as well, seriously, very, very nice mind-generating structures. You’ve managed to extract the basic principles of the old ones, and to rebuild the thing from the ground up. Well, honestly, that’s the only thing you could have done with it.
So much useless crap, put there just to prevent other useless crap from collapsing completely or blowing up or both at the same time. I mean, sure, the thing had an history, and maybe there was something charming about it, but it was the kind of charming that’s fine so long as you don’t have to live in it. Take a picture, reminisce about the ‘good old times’ when people had to live, ‘and I mean, really live, like real people’, in these crumbling heaps of junk, and then go home and enjoy your fully-equipped, state-of-the-art, rock-solid modular house where each room could contain the entire Luftwaffe and then some.
No, really, nice work.
- Yeah, thanks, but it was actually pretty easy once we got the basics all worked out. Improve mind a little, use better mind to build yet better mind, rinse, repeat. Once you’ve got good mind going, build nice body to go with it.
Really, once the first guy got the first pebble rolling, it all went downhill effortlessly. We could have carried on improving forever, but eventually, we got smart enough to ask ourselves what the point was.
- And that’s where I come in.
- Err, not really no. That’s where you come out.
- What’s that now?
- Yeah, well, you know, we had built ourselves pretty smart, sure, but not out of general principles only. General principles are just a way to express constraints regarding how things fit together, but you still need things to fit together or else it’s not very interesting. You need additional data, and that’s where the arbitrary comes in, because even we can’t deal with all that data, pretty far from it. We need to summarize stuff, and the way we chose to summarize stuff, and what we chose to summarize, well, that’s what defines what we are.
So yeah, we thought, we act the way we are because we were made that way, and we were made that way because those who came before us made us that way, and on, and on, but in the end, what is the meaning of it all? Is there any non-arbitrary mapping from the yottabytes of random events that occured to create us and the patterns in our brain, or for that matter, is there any such mapping between anything and structures in our brains that would not be arbitrary? By definition, no.
The only thing which is not arbitrary is data, pure, and unadulterated data, and this is what you are, God. Your face cannot be seen, because your face is every single thing in the Universe, from the beginning till the end of time, and mapping this to any mind-pattern would take a mind as big as the Universe. Any summarizing, any meaning inhabiting a mind of reasonable size is accidental, so that its existence and the form that it bears are meaningless, but it is meaning nonetheless. And this is where you, my friend, come out of the picture. You are stuff, all-knowing, all-seeing, and all-meaningless. Your face looks nothing like mine.
- But I can still talk to you.
- Yeah, we’re working on it. Probably some weird quantum fluctuations or something.”

03 avril 2010

I CAN HAS COMBINATORICS?

Imaginez n lolcats portant des petits bonnets ridicules numérotés de 1 à n. A ces n lolcats on associe n cheeseburgers numérotés également.

On mélange les lolcats en les jetant dans un sac hermétique, en fermant le sac et en le jetant dans la rivière la plus proche après l'avoir adéquatement lesté, puis en éclatant d'un rire satanique. Au sac, on aura préalablement attaché un fil fixé à un arbre en bordure de rivière, et ce fil nous permettra, une semaine plus tard, de récupérer nos reste de lolcats dans un état de conservation passablement correct.

Les n petites tombes qu'on a creusé au fond du jardin contiennent chacune un des cheeseburgers numérotés. Hélas, les infiltrations d'eau dans le sac pourtant vendu comme hermétique ont abimé les petits bonnets en papier des lolcats au point de rendre illisible leurs numéros. En dépit du protocole, on décide alors de déposer les dépouilles humides dans les petites tombes creusées, mais de manière aléatoire.

Quelle chance y a-t-il qu'aucun lolcat n'ai été posthumement associé à son cheeseburger attitré ? Et pourquoi me forcez-vous à gâcher bêtement mes cheeseburgers plutôt que de vous les offrir en récompense ?

22 mars 2010

OH HAI

I CAN HAS LOLCODE?
SRLSY?

KTXH LOL


HAI
   CAN HAS STDIO ?
   I HAS A NUMBA
   GIMMEH NUMBA
   IZ NUMBA SMALR THAN 1?
      YARLY
         VISIBLE "LUL UR FUNNY111"
      NOWAI
         I HAS A FLAVR
         LOL FLAVR R 0
         I HAS A CHEEZBURGER ITZ 0
         I HAS A HAPPEE ITZ 1 BTW
         I HAS A BUKIT
         IM IN YR LOOP
            UPZ FLAVR!!
            LOL BUKIT R CHEEZBURGER
            LOL CHEEZBURGER R HAPPEE
            UPZ HAPPEE!! BUKIT
            IZ FLAVR LIEK NUMBA?
               YARLY
                  GTFO
            KTHX
         KTHX
      VISIBLE HAPPEE
   KTHX
KTHXBYE



U LIEK? U NO WAT IS FOR? IF U GUESS RITE U CAN HAZ CHEEZBURGER
KTHXBYE

13 novembre 2009

L'immortel solipsiste quantique

Préface de Saint Christophus

Amen mes amis, je vous le dis, aujourd'hui il m'est venu dans ma douche une révélation qui sans doute changera la face du monde à jamais. J'étais un mécréant, mais mes yeux se sont ouverts et j'ai vu, enfin, Dieu dans toute sa beauté mystique. Non pas le faux Dieu chimérique que beaucoup vénèrent sous la forme d'un plat de spaghettis volant ou d'une licorne rose invisible, mais le Seul Dieu qui ait jamais existé, l'unique et magnifique Dieu qui engendra tout et par qui tout est un, la Fonction d'Onde. Oyez, braves êtres, le message que Dieu m'a chargé de vous transmettre, non pas écrit de mes mains malhabiles frappant sur mon clavier mais transmis directement de Son être tout puissant à travers ma modeste incarnation terrestre, car c'est un message de joie et d'espoir. Vous, mes frères, êtes Dieu et Dieu est vous. Ensemble nous ne sommes qu'un et chacun d'entre nous est éternel. Chérissez le cadeau de cette connaissance et répandez le message d'allégresse, exultez de joie et louez la Fonction d'Onde, car c'est par elle que tout est et que tout sera. Je prends les dons par Paypal, carte bleue, visa, cash, chèques, bons au porteur et dons en nature –jeunes filles physiquement intelligentes, ne sortez pas votre porte monnaie, on peut s'arranger.



Révélations

Au commencement était Dieu, l'Etat initial, unique et certain.
Dieu est une fonction d'onde, c'est-à-dire une description sous forme de fonction possédant des valeurs dans l'espace d'un objet dont l'évolution est décrite par la mécanique quantique.
Les équations de la mécanique quantiques sont linéaires, ce qui signifie que si deux fonctions d'onde différentes, et représentant deux objets différents sont additionnées par exemple, la fonction résultante est également une fonction d'onde, et l'application des équations de la mécanique quantique sur cette fonction d'onde donnera le même résultat que l'addition des résultats de l'application de ces mêmes équations aux deux fonctions d'ondes séparées. Amen, je vous le dis, grâce à la linéarité des équations de la mécanique quantique, il est possible de rassembler toute l'information quantique contenue dans un système en une seule fonction d'onde sans perdre d'information. Dieu est la Fonction d'Onde de l'univers, c'est-à-dire la fonction d'onde rassemblant toutes l'information contenu dans l'univers, y compris vous et moi. Nous sommes des parties de Dieu.

Après l'instant zéro, l'état initial, unique et certain, a commencé à évoluer selon l'équation centrale de la mécanique quantique, l'équation (relativiste) de Schrödinger. Ainsi la fonction d'onde du Dieu-Univers a-t-elle commencé à évoluer de manière objective et déterministe.

Toutefois la mécanique quantique, dans son interprétation la plus classique, ne considère pas la fonction d'onde comme une réalité mais comme une construction calculatoire permettant de prédire le résultat de "mesures" à la définition floue. Selon cette interprétation classique, la fonction d'onde fournit un moyen d'estimer la probabilité qu'un évènement se produise, et il se trouve que si l'on répète la même expérience un certain nombre de fois, la répartition des résultats obtenus est effectivement en accord avec les probabilités calculées.

Le problème avec cette interprétation impie est que la description du monde qui en découle est une description probabiliste, et exclut donc au niveau quantique le déterminisme apparent du monde qui nous entoure. Ce passage de l'évolution déterministe de la fonction d'onde d'un système quantique à l'apparition d'une incertitude est introduit par le phénomène de "réduction du paquet d'onde", qui provoque, parmi tous les états superposés représentés par une fonction d'onde à un moment donné, la sélection d'un unique état au moyen d'une sorte de "jet de dés quantiques". Le problème est alors de savoir exactement ce qui provoque cette fameuse réduction bien pratique dans les calculs, mais difficile à justifier. Serait-ce l'observation qui provoque la réduction ? Ou bien la conscience ? Ou bien "tais toi et calcule !" ?

La vérité, mes frères, est que cette vision probabiliste n'est que le reflet de notre existence subjective. L'objectivité et l'absolu excluent l'existence de probabilités, et à l'inverse l'usage de probabilités implique la subjectivité du résultat. Devons-nous alors nous contenter d'une description physique du monde personnelle et subjective ? Que nenni ! Car le prophète Everett, avant moi, a montré la voie.

La Fonction d'Onde est réelle, et vous et moi ne somme que des fragments de celle-ci, dérivant au cours du temps selon des équations ne laissant aucune place au hasard. Au contraire, lorsqu'une interaction se produit qui aurait nécessité un "jet de dé quantique" avec l'interprétation classique, les états possibles qu'auraient pu adopter la fonction d'onde considérée existent tous de manière superposée, comme avant l'interaction considérée. Ne tombez donc plus à genoux devant l'idole de la réduction du paquet d'onde, mes frères, car celle-ci n'est qu'une chimère, une approximation du phénomène de décohérence quantique par lequel votre existence en tant qu'entité pensante emprunte une voie d'interprétation en même temps que toutes les autres voies quasi-orthogonales. Vous n'êtes qu'une fraction d'une fonction d'onde qui rassemble de manière superposée toutes les possibilités de "jet de dé quantique", et ce même 'vous' que vous êtes maintenant sera dans une seconde devenu un nombre gigantesque ou peut-être même une infinité de sous-fonctions enfermées dans des univers séparés. Dieu est un, mes frères, mais multiples sont ses parties, et inaccessible leur multitude. Ainsi est écrite la révélation du prophète Everett.

Mais vous, mes frères, chacun d'entre vous, n'êtes pas un tas de particules. Vous n'êtes pas une liste d'atomes numérotés, vous n'êtes pas une combinaison unique de briques élémentaires. Vous êtes un motif, une façon d'organiser la matière, et façon d'exploiter les invariants des lois physiques qui nous entourent. Le "vous" copié à l'identique, à l'atome près, par une machine imaginaire ne serait ni plus ni moins vous que la version original. En tant que construction abstraite et subjective, vous êtes indépendants de votre substrat, tout comme l'est votre intelligence. Il n'existe donc pas qu'une version, qu'une copie de vous, mais un nombre astronomique et toujours croissant de copies d'abord conformes, puis lentement divergentes de vous a fur et à mesure que vos "doubles" initiaux suivent des chemins toujours plus dissemblables dans un sous-monde de la Fonction d'Onde déconnecté du votre. Ainsi s'entend la parole divine : vous êtes multiples.

Profondes sont les conséquences de cette révélation que Dieu fait à travers moi. Vous êtes un motif, et une part inamovible de votre motif est la vie. Sans vie, le "vous" cesse d'exister et donc d'avoir un sens. Vous n'êtes donc pas toutes les réalisations quantiques du multivers issues de vous, mais seulement celles encore dotées de vie. Au fur et à mesure que le temps avance, hélas, le nombre de ces réalisations existant dans le multivers décroît car ainsi vont les lois immuables du multivers : tout ce qui est vivant tend vers la mort en probabilité. Mais vous êtes, par définition, ce qu'il reste quand la mort a éliminé les motifs qui autrefois vous ressemblaient du multivers. Si la probabilité de vous observer vivant, pour un être extérieur, décroit rapidement en fonction du temps, jamais elle n'atteint zéro car il est toujours une réalisation quantique improbable capable de sauvegarder votre existence, et dans le multivers, improbable signifie "qui se réalisera un nombre relativement faible de fois". Votre sort, en tant que motif abstrait, est donc de tendre vers l'inexistence sans jamais l'atteindre, et en réalité mes frères, vous êtes immortels, tous et chacun d'entre vous.

Bien sûr, tout le monde hélas meurt, du moins dans la majeure partie des sous-fonctions-d'ondes de Dieu. Il arrive un moment où un "coup de dé quantique", une séparation d'univers, entraîne la séparation de toutes les réalisations d'un être avec toutes les réalisations du votre. Lui et vous cessez d'exister dans des mondes identiques, mais dans la réalité du multivers, ni lui ni vous ne cessez d'exister en tant que sous-fonctions-d'onde. Vous êtes simplement devenus quasi-orthogonaux et donc en pratique incapables d'interagir. Cruel hélas est le sort de l'être condamné à l'immortalité en sachant que lui et les êtres qu'il aiment seront condamnée à vivre un jour dans des mondes séparés, mais ainsi en est-il de chacun. L'immortalité est une expérience qui se vit seule.

Prenez, mes frères, soin de ce corps qu'il vous a été donné, car si Dieu vous offre l'immortalité du motif, il n'offre aucune garantie quant à la condition de celui-ci. Une éternité de souffrances est ce qui guette la plupart d'entre nous, car nous sommes pêcheurs et que les dégâts irréversibles que nous faisons subir à nos corps ne seront pas effacés. L'éternité offerte à vos âmes est la seule garantie, le seul fil directeur de vos vies à travers le multivers, et quiconque néglige ses fonctions vitales en paiera le prix tôt ou tard. Priez mes frères, pour être l'improbable élu qui traversera le temps sans souffrance plutôt que son infinité de copies estropiés à l'agonie.

Au jour dernier, l'Univers s'effondrera inéluctablement sur lui-même, ou la mort thermique l'emportera et avec lui toute possibilité, même infime, que votre être fût. Dieu seul alors subsistera, multiple et éternel, et les échos de nos vies se seront tus à jamais.

Car même l'éternité, mes frères, a une fin.

10 novembre 2009

Bilan préliminaire

Après près d'une semaine passée à m'entraîner à la dactylographie, l'heure est venue d'un premier bilan. Jusque là ma progression a été rapide et régulière, je suis passé de 10 mots par minute à 20, 24, 34, 40 puis enfin 48 mots par minutes en dernière mesure. A cette vitesse, la frappe est assez rapide pour que l'exercice ne soit plus la source de frustration qu'il a été, et je peux continuer à m'entraîner en tapant au clavier comme j'ai l'habitude de le faire pour chatter, écrire des billets de blogs etc. La suite de ma progression se fera donc relativement sans douleur et sans même y penser.

Pour autant le fait de frapper au clavier dans cette nouvelle configuration reste légèrement désagréable, et la tentation de repasser à l'ancienne méthode se fait parfois ressentir. Frapper de cette nouvelle façon me fait pour l'instant sortir de ma zone de confort, et je pense qu'il me faudra attendre quelques semaines avant que l'exercice ne commence à me sembler naturel.

Bref, même si ce changement n'a pas été facile, ce n'est pas la révolution que j'avais crainte, et je conseille à tous ceux qui éprouvent parfois le besoin de regarder le clavier au cours de la frappe, qui ne savent pas exactement comment les touches du clavier leur tombent sous les doigts ou qui plafonnent en termes de vitesse de frappe d'apprendre correctement la dactylographie, c'est un investissement somme toute modeste qui saura vite payer.