Pour les plus effroyablement ignorants de mes lecteurs, je rappelle de manière condescendante que le test de Turing est un test permettant de déterminer si un programme informatique se comporte de façon semblable à un être humain. Dans sa version la plus simple, il s’agit de poser des questions à un programme, et à un humain, tous deux cachés, et d’essayer de déterminer qui est quoi. Le programme passe le test s’il n’est pas reconnu en tant que tel. Ben sûr, il existe des tas de gens qui, à la place d’un programme, échoueraient. Des handicapés mentaux, des enfants, Miss teen South Carolina, et « such as »… Et parmi tous ces gens, il y a Kim Peek, surnommé « le vrai Rain man ».
Kim Peek, c'est le mec qui connaît 12 000 livres par cœur ou presque, et qui lit deux pages en 10 secondes, un œil sur chaque. Né avec des dommages cérébraux importants, Kim Peek possède un cerveau à l’organisation atypique, ce qui explique tant ses dons surhumains que sa totale incapacité à effectuer des tâches simples de la vie de tous les jours, s’habiller par exemple. Ou effectuer une analogie.
Bien sûr, le « Google sur pattes » a été observé sous toutes les coutures et testé de nombreuses fois. Ce qu’il en ressort, et qui m’a frappé, c’est qu’apparemment Peek n’interprète pas les données qu’il agrège. Un être humain normal ne stocke pas l’information sous forme de mots et de chiffres, tout comme il ne pense pas avec des mots. Il transforme, « compile » les données. C’est pourquoi il est si difficile d’apprendre une poésie par cœur (mais si facile de se rappeler à peu près de quoi elle parle), sans parler d’apprendre le chinois…sauf pour Peek.
Peek ne possède pas la couche d’interprétation, il stocke les données sous forme brute. D’où, je suppose, sa vitesse de décodage et stockage incroyable, et la précision de ses souvenirs – il se souvient mot pour mot de 98% de ce qu’il a lu. Et d’où je suppose son incapacité totale à comprendre une analogie : l’analogie utilise l’objet interprété comme point commun entre des idées différentes, objet manquant chez lui.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est surtout que Peek offre aux chercheurs de lever un peu plus le coin du voile sur le fonctionnement du cerveau, en mettant à nu une sous-couche de celui-ci.
Alors finalement, me suis-je demandé, un Kim Peek artificiel serait-il difficile à programmer, et à quel point ? Peek sait agréger et regrouper son savoir, comprend l’anglais naturel (au niveau structurel), sait se déplacer dans son environnement, et possède quelques capacités sociales, quoi que limitées. L’état de l’art en IA n’est pas loin de tout ça. L’on sait faire des robots qui se déplacent et reconnaissent leur environnement, ça n’est pas encore très impressionnant, mais déjà fonctionnel. L’on sait faire de la reconnaissance vocale, et analyser plus ou moins un texte donné. Et l’on sait très, très bien stocker des données en masse. Les capacités sociales des robots aussi s’améliorent rapidement, l’on sait détecter l’humeur d’une personne par exemple, et faire en sorte que le robot s’adapte. Cela peut paraître un peu présomptueux, mais finalement j’ai l’impression qu’une version robotisée de Kim Peek pourrait presque être réalisable avec les moyens techniques actuels. Son surnom d’homme-ordinateur lui irait alors comme un gant.
Certes, il manquerait au robot-peek les émotions, le ressenti physique, et sûrement beaucoup de choses que j’oublie. Mais il y a déjà de quoi commencer à se poser des questions. Personne n’envisagerait une seule seconde de traiter Peek comme un objet. Que se passera-t-il lorsque sortira un robot-Peek ? Et un robot un peu plus intelligent que robot-Peek ?
Personnellement, je crois (peut-être parce que j’ai envie d’y croire) que si je ne meurs pas d’un cancer des poumons provoqué par la pureté de l’air Pékinois dans les 40 ans à venir, je verrai l’avènement d’une intelligence artificielle totalement indistinguable de celle de l’Homme, du moins si la recherche continue dans le sens actuel. Veut-on en arriver là ? A partir de quel degré d’intelligence et de sensibilité simulée peut-on considérer criminel de mettre un robot à la casse ?
Préparez-vous à répondre à ces questions mes cocos, parce que bientôt, on ne pourra plus les éviter. Enfin, peut-être.
Kim Peek, docu en 5 parties (anglais) : http://www.youtube.com/watch?v=k2T45r5G3kA
25 novembre 2007
Kim Peek et le test de Turing.
Publié par
Chris
à
17:26
4 commentaires:
Moi je dis qu'il ne faut pas croire les papers chinois publiés dans Democratic Chinese Science Weekly.
En plus, on pourra recréer un Kim Pik, en plus beau.
De la balle. Tu vas pouvoir me ramener un esclave Chinois dont j'utiliserai la sous couche du cerveau comme espace de stockage de térabits. Ca me coutera moins cher qu'un nouveau HD.
Sinon, les cerveau c'est vraiment un outil surpuissant, si le gars arrive à se rappeler de 12000 livres en format brut de donnée, càd sans compression. En ordre de grandeur ça tape dans le Gigaoctet.
Je me demande si quand il voit un truc, il le mémorise en YUV directement, parce que là ce serait des péta et des péta octets.
Ouais le giga octet c'est l'ordre de grandeur de la capacité du cerveau apparemment.
Sinon Laurent tu es de mauvaise foi, ma source est le Mickey Parade Cognition Bulletin.
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