Une sale affaire, moi je vous le dis. Et un cadavre, bien sûr, c’est toujours comme ça que ça commence. Celui de Guy Minimaex, en l’occurence. Individu caucasien, la vingtaine, sexe masculin, un peu rougeaud, et assez irritable à ses heures, d’après les voisins. Aperçu pour la dernière foi, mort, un couteau entre les deux omoplates, devant la cheminée de son studio, n’a plus donné signe de vie depuis. Tout porte à croire que le décès aura été fatal.
Les suspects ? Pas nombreux, à vrai dire. Un certain monsieur ‘Citron’, tout d’abord. Peu après l’heure du décès, il aurait été aperçu ressortant du domicile, couvert de sang, chantant a tue-tête « on a buté Guy, youpi » avec son acolyte, le deuxième suspect, un dénommé ‘Chicon’. Citron, Chicon, amis de toujours, mais aussi criminels notoires, fous dangereux même. Déjà cités dans trois affaires d’homicides par le passé, ils s’en étaient pourtant toujours miraculeusement tirés blancs comme neige, grâce à des amis haut placés de toute évidence. Deux suspects, mais pas de piste sérieuse, donc. Le mystère restait entier.
Tant de questions, et si peu de réponses. Quelle motivation avait pu pousser le, ou les meurtriers, à attenter à la vie du brave Mannemeix ? L’ennui ? La lassitude de ne rien faire ? Ou le désoeuvrement peut-être ? Et comment étaient-ils rentrés chez la victime, alors même que la porte blindée de son studio aurait arrêté un tank, et que la clé avait été soigneusement cachée sous le paillasson ? Devant la profondeur insondable de tant de mystères, l’esprit humain n’était pas de taille. Il me fallait interroger les suspects.
« Salut, Citron, je suis le gentil flic. Je serai seul aujourd’hui, le méchant n’a pas pu venir. Alors t’as plutôt intérêt à tout avouer.
- Ok.
- Je ne te suis pas.
- Ben, c’est Chicon et moi qui avons fait le coup. C’est nous qui avons buté Guy Mannemeix.
- Qu’est-ce que tu essayes de me dire, Citron ? Je ne comprends pas. »
C’était bien ma veine, Citron ne parlait presque pas notre langue. Ne restait plus que Chicon.
« Salut Chicon. Fais pas le malin avec moi, je suis le méchant flic, alors t’as plutôt intérêt à te mettre à table.
- Bon ok, j’avoue…
- Ta gueule ! Je t’ai permis de parler ? Hein ? Je t’ai permis ? Regarde moi. Baisse les yeux. C’est ici que ça se passe. Je t’ai permis de parler ?
- Non, mais je…
- Mais tu continues en plus ! Non mais tu te prends pour qui ? Allez, ça suffit pour aujourd’hui, t’as eu ta chance, tant pis pour toi. »
Une forte tête, ce Chicon. Je n’étais toujours pas plus avancé.
Décidemment, cette affaire était un vrai sac de nœuds. Il fallait que je confronte les versions des faits des suspects.
« Bien, je vous ai réunis ici pour confronter vos versions des faits. Vous êtes priés de ne pas écouter pendant que l’autre parle, pour ne pas fausser le test. Chicon, on commence par toi. Où étais tu hier vers minuit ?
- Au bout du couteau planté dans le dos de ma victime, Guy Mannemeix.
- Oui c’est ce qu’ils disent tous. Citron, ton tour. Où toi avoir été jour avant aujourd’hui soir ?
- Au même endroit que Chicon, nous avons d’ailleurs commis le crime ensemble.
- Toi avoir beaucoup fait progrès dans notre langue. Chicon, pourquoi la victime n’a-t-elle pas été capable d’écrire avec son sang le nom de ses agresseurs sur le sol ?
- Nous avions un complice en qui la victime avait confiance, classiquement. Il l’a orienté sur de fausses pistes d’une manière magistrale, en lui faisant croire que nous n’étions pas dans le coup. Je l’admire plus que tout.
- Et quand la victime a téléphoné à Citron afin de vérifier que ce n’était pas lui qui était en train de l’agresser, comment se fait-il que cette dernière n’ait pas su détecter que Citron mentait ?
- Très simple. Malgré son faible intellect, Citron a réussi à faire croire à la victime qu’il était ailleurs en se plaçant au dehors pour répondre. Ainsi ai-je ensuite moi-même procédé, malgré mon intellect tout aussi faible. Le très faible intellect de la victime aura compensé nos propres défaillances.
- Mais alors, Citron, qui être complice admirable ?
- Mais c’est toi, bien sûr !
- Ah oui, ça me revient. C’est moi en effet. »
La pelote était démêlée, la botte de foin désaiguillée, les ténèbres dissipées.
Encore une affaire brillamment résolue, ma foi. J’étais vraiment le plus fort.
05 mai 2006
Mais qui a tué Guy Mannemeix?
Publié par
Chris
à
20:21
6 commentaires:
bande de connards
encore une fois, il a fallu vous allier pour me nuir
mwhahahaha
Oui, et tu t'es allié avec nous ;)
Il parait que chicon est un beau gosse.
ça paraît peu probable avec un nom pareil
Chicon, qui signifie endive dans le sud de la France. Cette subtilité n'aura échappé à personne.
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