09 janvier 2008

Marcel

Imaginez un type, appelons le Marcel. Marcel, l’heureux homme, possède toutes les connaissances humaines scientifiques et techniques modernes, et est, de plus, immortel ou presque.
Mais Marcel a un problème : Marcel est tout seul. Sur une planète perdue au fond de l'espace.

Marcel s’est fait la réflexion que, après tout, malin comme il l’est, il pourrait arriver à disons fabriquer un ordinateur pour passer le temps. Mais Marcel n’as pas d’outils.

Fabriquer un ordinateur ? A partir de sable, de caillasse et de deux trois autres saloperies qui traînent ? C’est possible après tout. Théoriquement. La preuve, l’humanité l’a fait. Oh, pas bien rapidement, ça a pris quelques millénaires aux quelques millions d’humains impliqués au cœur du processus. Mais après tout, même si ça doit lui prendre un milliard d’années, que sont un milliard d’années par rapport à l’éternité ou presque ? Pas grand-chose. Marcel est déterminé.

Mais attends Marcel, tu es sûr de pouvoir réussir ? Après tout, ces millions d’humains étaient plusieurs, et toi tu ne l’es pas. Même si tu sais tout ce que tu as besoin de savoir pour réaliser ton plan, qu’est-ce qui te prouve qu’il est réalisable tout seul, sans aide ?
Bof, qui ne tente rien n’a rien hein. Marcel suppose qu’il sera capable de décomposer chacune de ses opérations de façon à pouvoir l’effectuer seul.
Admettons.

Alors, par quoi commence Marcel ?

Et bien, ça dépend de l’environnement.

Coincé sur un astéroïde de 3 mètres de diamètre, Marcel ne pourrait de toute évidence pas faire grand-chose de ses 10 doigts, même en le voulant très fort.

Heureusement, Marcel n’est pas coincé sur un astéroïde de 3 mètres dérivant dans l'immensité de espace. Non, il est installé sur une planète, bien fournie en divers matériaux, et dotée de vie. Une planète comme la Terre il y a 15000 ans par exemple, mais sans la poignée d’humains.

Priorités pour Marcel ? Marcel, l’immortel, n’a bien sûr besoin ni de manger, ni de boire. Il se concentre sur son objectif, la recréation de technologies.

Et à la base de la technologie, il y a l’outil simple. La pierre coupante, genre silex, qu’il peut utiliser pour couper de petites branches par exemple, afin de fabriquer perches, ou manches outils. Facile. Pour faire du feu, Marcel peut utiliser un silex, de la marcassite et de l’amadou, ou des bouts de bois qu’il frotte. Mais pourquoi le feu ? Pas pour cuire sa nourriture, bien sûr. Mais pour passer à l’étape suivante.

L’étape suivante est du genre ennuyeuse, et longue. Il va s’agir de trouver un gisement de ferrite en surface. Bien sûr, Marcel sait à quoi ressemble un tel gisement et où en trouver, mais il faut marcher. Alors Marcel marche. Et trouve un gisement, bien entendu. Marcel va bientôt pouvoir fondre de l’acier.
Il faut concasser les roches, d’abord, mais pour cela, pas besoin de grand-chose. Caillou contre caillou, huile de coude et patience. Lentement, Marcel accumule ses pépites de ferrite, qu’il entrepose dans sa besace en peau de sanglier. 300 grammes plus tard, à vue de nez tout du moins, Marcel est prêt à passer à l’étape suivante. Construire son atelier de forgeron.

Oh, le strict nécessaire, pas plus. Une grosse pierre plate qu’il aura fait rouler sur des rondins de bois en guise d’enclume, car oui, Marcel aime faire rouler des choses sur des rondins de bois. Et un fourneau, comme de juste. Non, pas un modèle haut de gamme, juste un petit cube en pierres entassées, chapeauté de pierres taillées en long, assez fines pour être portées par Marcel en guise de toit. Car oui, c’est peut-être loin d’être parfait, mais Marcel arrive tout de même à tailler des pierres à l’aide d’autres pierres, à force de patience.

Quelques brassées de bois fourrées dans le foyer, allumées au moyen d’un brandon tiré d’un autre feu. Le feu prend, Marcel l’entretient, les pierres chauffent et la température monte.
Pour l’occasion, Marcel a confectionné un bol en pierre prolongé par un manche, de quoi faire fondre ses pépites sans se griller. Et un moule aussi, constitué de quatre pierres aux bords droits, posées de façon à délimiter un petit parallélépipède. Le métal devenu liquide, il le verse rapidement dans le moule, ajoutant au passage un peu de poudre de braises froides. Puis il attend.

Le métal légèrement refroidi, marcel saisit la pierre à la base du moule et s’en va jeter le tout dans la rivière, peu profonde à cet endroit. Après quelques dizaines de minutes, il récupère finalement sa première pièce de métal, complètement refroidie.

Avec quelques cordelettes de cuir, il la fixe à un manche en bois, taillé au silex, manche qu’il loge ensuite dans le creux formé par la petite pierre préalablement placée au fond de son moule rudimentaire.

Marcel a créé son premier outil en métal. C’est un marteau en acier trempé.


Bon j’ai bluffé bien sûr, je n’ai pas les connaissances nécessaires pour affirmer que tout ce que j’ai écrit est réalisable. Marcel est encore très loin de son but, mais il y a là je pense matière à plus qu’un simple billet de blog.

Imaginez maintenant qu’il y ait plusieurs Marcel, capables de communiquer entre eux à distance. Et que ces Marcel soient des robots à énergie solaire (oui, je suis légèrement monomaniaque), extrêmement sophistiqués mais sans capacité de reproduction.
Question : quelles seraient alors les conditions minimales pour qu’une planète soit robotiquement viable, c’est-à-dire suffisamment accueillante pour qu’un groupe de Marcel-robot puisse monter à partir de rien une usine de création de Marcel ?
Pourrait-on par exemple envoyer une armée de Marcel robotiques sur Mars et voir, au bout d’un certain temps, le nombre de Marcel et donc le niveau de développement infrastructurel de la planète croître exponentiellement ?
Ai-je écrit un billet chiant ?

A vous de juger.