22 mars 2009

Konnichiwa

Konnichiwa, comme vous le savez je suis parti passer quelques mois au Japon, dans les environs de Tokyo. Cela fait bientôt trois semaines que j’y suis, mais je n’ai commencé à jouer au touriste qu’aujourd’hui.

Je me suis rendu à Yokomaha, la deuxième ville la plus peuplée du pays. Enfin bon, dans les environs de Tokyo, ‘ville’ n’est qu’une étiquette collée sur un morceau de mégapole géante, et durant mes 1h30 de trajet en train je n’ai rien vu d’autre que des bâtiments alentour, à perte de vue.


Yokohama possède la plus haute tour Japonaise, la « landmark tower », qui mesure un peu moins de 300m. Pas vraiment impressionnant vue d’en dessous, en fait. En bas de l’image vous pouvez voir une passerelle piétonne, qui mène jusqu’à la tour. L’urbanisme Japonais utilise la troisième dimension de manière très poussée, pour optimiser les flux de circulation et la place disponible. La différence est vraiment frappante par rapport à Paris ou Pékin, où tout ou presque se passe au niveau du sol. Le résultat est agréable et efficace, l’on traverse rues et voies ferrées sans même être conscient de leur existence, guidé par des panneaux clairs et aidé par des escalators omniprésents.

La landmark tower vue de loin.


Vue de deux niveaux de circulation depuis une passerelle piétonne.


Yokohama est une ville portuaire, mais même la mer semble avoir été urbanisée ici. Pas d’embruns (ce jour là ?).


Une énorme tour de télécoms.


J’ai visité le Musée Mistubishi de la technologie et de l’industrie. Moyennement instructif, et pas très photogénique. Ici un modèle réduit de moteur de fusée japonaise.


Là, je vous laisse deviner ce que c’est.


Après le musée, je me rends à la landmark tower. Elle possède l’ascenceur le plus rapide du monde (ou en tout cas il l’était en 2004), certification du Guiness à l’appui. L’accélération est pourtant très douce dans l’ascenseur, pas de sensation d’organes internes déplacés, pas de jambes qui ploient sous l’effort, c’est sans même s’en apercevoir que nous atteignons les 45km/h de vitesse de déplacement vertical. A cette allure, les étages défilent à une allure ahurissante, et en un clin d’œil nous atteignons le 69ème, à 274m de hauteur.


D’ici nous surplombons largement tous les immeubles alentour, pourtant de hauteur respectable.
Pas vraiment le meilleur jour pour la vue panoramique. Par beau temps, on voit le mont Fuji paraît-il.


En croisant les doigts pour que le big one choisisse un autre jour pour détruire Tokyo.


274 mètres. Bien mais pas top.


Un mystérieux « I love peace » à côté du musée d’art que je n’ai pas eu le temps de visiter.


Oui, cette tour de télécom est obèse.


Les Japonais aiment les escalators.


Et les Pokémons.


Et oui, ceci est un magasin dédié aux Pokémon uniquement.


Parfois, les transports en communs sont bondés. Souvent, non. Je trouve toujours une place assise pour me rendre au labo.


China town de Yokohama, pour changer. C’est un peu comme la Chine, mais en plus exubérant, cher, et propre (après, il paraît que ça ressemble à Shanghai, je ne peux pas confirmer ou infirmer).


China town se résume à un restaurant Chinois à l’échelle d’un quartier. On n’y trouve absolument rien d’autre. Mais c’est joli.





Un temple dédié au Dieu des affaires. A comparer à sa version française, la rue Montgallet.





Une diseuse de bonne aventure lit les lignes de la main. Comme quoi finalement il n’y a pas que des restaurants.


Je voulais photographier le gros bâtiment de style chinois au bout de la rue, mais c’est ici que mon appareil photo et mes talents photographiques jettent l’éponge.

Et pour conclure, une vidéo d’une invention géniale typiquement Japonaise : le distributeur automatique de voiture.



Bon voilà j'ai bloggé, mais on ne m'y reprendra pas de si tôt, du moins pas pour poster des photos, ça prend trop de temps. La prochaine fois, je mettrai les commentaires direct sur mon picasa (dont l'adresse a changé).

Sayonara.

02 mars 2009

Croyance et preuve

Pour meubler un peu en attendant que j'aie fini de mettre en forme mon paper/de déménager au Japon, je vous propose un extrait d'une discussion tenue il y a peu.
Après relecture, je me dis que je m'avance quand même un tantinet sur certains points, mais si ça peut faire réagir ce n'est pas plus mal.

Tout est parti d'une phrase, "on ne peut pas prouver l'inexistence d'une chose". La suite est de moi.




Donc reprenons du début.
Ce qui m'a fait réagir, c'est la phrase "on ne peut pas prouver l'inexistence d'une chose, c'est une impossibilité logique".
J'ai réagi parce que c'était loin d'être la première fois que je lisais cette phrase, que j'avais pris le temps de réfléchir à son sujet, et que j'en avais conclu qu'elle était fausse, pas marginalement fausse, mais totalement. Elle me semble totalement fausse car elle me semble relever d’une mécompréhension de ce que signifie ‘prouver quelque chose’ en science. Avoue que si c’est le cas, le problème ne relève pas vraiment du pinaillage. Surtout quand il te mène à des conclusions qui me semblent également fausses, du genre « la science ne peut se prononcer sur l’existence de fantômes ». Si un raisonnement faux mène à des conclusions fausses, ne mérite-t-il pas qu’on en discute ?

Cette phrase, disais-je donc, est un classique, on la retrouve dans chaque discussion sur Dieu, le paranormal, les pseudosciences, souvent utilisée par « l’autre camp ». Elle arrange bien les ‘croyants’ au sens large comme les ‘agnostiques’, car elle fournit un statu quo, l’incertitude dans lequel chacun voit ce qu’il veut.

Alors oui, bien sûr, j’en ai saisi l’idée. Pour prouver l’inexistence d’une ‘chose’, il faut vérifier que cette chose n’existe nulle part, n’a jamais existé et n’existera jamais. Il suffit, au contraire, pour prouver l’existence d’une chose, d’en exhiber un exemplaire.

Vu comme cela, la preuve de l’inexistence d’une ‘chose’ semble en effet bien impossible.

Mais le problème, ici, me semble résider dans la notion de preuve. Il est trivial, en effet, de dire, que l’inexistence d’une chose ne peut être logiquement établie (logiquement au sens de logique philosophique ou mathématique, pas de sens commun). Mais il est tout aussi trivial de dire que l’existence d’une chose ne peut être logiquement établie. La Vérité est après tout inaccessible, nous sommes tributaires de nos sens, du fonctionnement de notre esprit, etc…
Descartes objecterait que l’existence d’un « soi » peut être logiquement établie, mais un « soi » seul ne signifie rien, seul ses relations à d’autres concepts et objets le définissent, et ces relations sont à jamais hors de portée de la preuve logique.

Non, nous ne parlons ici pas de preuve logique. Nous parlons de preuve scientifique. La preuve scientifique est subjective, faillible, sujette aux erreurs de mesure, de raisonnement, d’évaluation, au manque de données, etc… La preuve scientifique n’est pas un absolu mais un outil fiable, incroyablement fiable même.

C’est de ce genre de preuve là que nous parlons. Nous sommes, après tout, en train de discuter de ce que la science peut dire, et ce pour quoi elle ne propose pas de réponse.

Alors, pour quelle raison la « preuve de l’inexistence de quelque chose » est-elle impossible ? La preuve scientifique de l’existence d’une chose est certainement possible, je pense que tu ne me contrediras pas là-dessus. Pourtant cette ‘preuve’ n’est jamais une certitude, comme les opposants à la science aiment à le rappeler. La preuve scientifique de l’existence d’une chose est une « bonne raison de penser que les choses se passent comme si » cette chose existait. Plus cette raison est bonne, plus elle est confirmée, plus la confiance en l’existence d’une dite chose est solide.

Je me doute bien que tu sais tout ça, mais je ne l’écris pas sans raison. Pour aller plus loin, il va falloir définir un peu de quoi on parle, quand on parle de chose.

Une chose, toute chose, ne se caractérise que par la façon dont elle est liée à d’autres. Une chose est décrite par ses propriétés, et les propriétés, si elles sont suffisamment nombreuses, peuvent déterminer cette chose d’une manière unique.

Prouver l’existence d’une chose, c’est prouver l’existence d’un ensemble de propriétés organisées selon un certain « motif ». Prouver l’inexistence d’une chose, c’est prouver qu’un ensemble de propriétés ne peuvent être organisées suivant un certain autre motif.

Je comprends tout à fait ce que tu veux dire, quand tu dis qu’exhiber un certain nombre d’objets, aussi grand soit-il, ne vérifiant pas lesdites propriétés, ne prouve pas que les propriétés en question ne peuvent être retrouvées. C’est juste, c’est, comme tu le fais remarquer, évident, et je suis bien d’accord avec toi. Mais tout ce que cela montre, c’est qu’il n’est pas possible de prouver l’inexistence d’une chose comme l’on peut en prouver l’existence, en l’exhibant.

Il nous faut de nouveaux outils pour aller plus loin, des outils plus puissants que l’itération, permettant d’exclure l’existence d’un ensemble de propriétés. Heureusement, ces outils existent. Ils existent sous la forme de postulats, ce qui veut dire qu’aucune Vérité, aucune certitude logique ne peut en être dérivée. Mais d’un point de vue scientifique, ces outils se sont révélés fiables, et donc valides en tant qu’outil de preuve scientifique, parce qu’ils sont cohérents avec le monde physique observé.

Ces outils, ce sont les lois physiques universelles. Une loi physique universelle est quelque chose de profond et de mystérieux pour moi. C’est un pont entre le monde perçu et les mathématiques humaines, et son existence impose des contraintes cohérentes avec un certain formalisme à l’univers observé. Une loi physique, à partir d’observations itératives, construit une généralisation de ces observations. Elle fixe des contraintes sur les propriétés que les choses peuvent avoir, mais aussi, de manière duale, sur celles qu’aucune chose ne peut avoir.

La loi physique en dit autant sur l’inexistence éventuelle d’objets que le formalisme qui y est associé, et tu n’ignores pas qu’en maths il est très souvent possible, quoi que pas toujours, de prouver l’inexistence de telle ou telle chose.

Ce à quoi je veux en venir, c’est que cette correspondance entre formalisme et réalité permet à la science de statuer sur l’existence ou l’inexistence d’objets indifféremment , et que la séparation entre « preuve de l’existence » et « preuve de l’inexistence » n’a de ce fait pas lieu d’être.

Alors, pour en revenir à un exemple que tu évoquais, puis-je prouver qu’il n’existe pas d’arbre qui parle ? Je pense que oui. Il existe un grand nombre de raisons pour lesquels un arbre ne peut pas parler.

La parole nécessite le mouvement rapide de parties mobiles. Les végétaux ne disposent pas de parties mobiles à mouvement rapides.
L’usage de la parole implique l’existence de structures nerveuses dont les arbres ne sont pas dotés.
Etc…

Chacune de ces affirmations est une « proposition sur le monde », pas une certitude. Il se pourrait que je me trompe, et qu’il existe des arbres qui parlent. Selon comment on définit la parole, on peut même dire qu’il en existe.

Mais en science, peu importe la certitude. Une connaissance scientifique n’est pas une certitude, mais une proposition jugée fiable de manière subjective. Les propositions utilisées pour ma démonstration sont fiables dans le sens où elles sont en accord avec l’expérience, un accord tellement bon que l’extrapolation semble raisonnable.
La science a son mot à dire au sujet des arbres parlants. Pour un scientifique, les arbres parlants n’existent pas, et ses raisons de le croire sont bien plus fiables que ses raisons de croire que des paires de particules/antiparticules apparaissent spontanément dans le vide.

Il n’y a donc pas pour moi une différence de nature entre preuve de l’existence et preuve de l’inexistence, mais une différence de degré. Le processus d’extrapolation à partir de données parcellaires, puis d’exclusion formelle de l’existence d’une certaine combinaison de propriétés est éminemment moins fiable que le processus de vérification expérimental, c’est un fait, et quand il s’agit de problèmes complexes il est souvent infaisable d’exclure la possibilité d’apparition d’un phénomène. Pas parce que cette exclusion est logiquement impossible, non, mais parce que cette exclusion serait sujette à une telle incertitude qu’elle serait inutilisable.

Le problème n’est donc pas la question, mais la façon d’arriver à la réponse. Note que ce problème n’est en rien exclusif aux propositions portant sur l’ « inexistence d’une chose », mais limite de manière générale notre capacité à apporter des réponses aux propositions portant sur des systèmes complexes.

Heureusement, il est souvent possible d’emprunter d’autres chemins de preuves afin d’arriver à nos fins. La science ne peut peut-être pas attaquer de manière frontale le problème de l’existence des fantômes, trop vaguement définis, mais elle peut biaiser. La psychologie et les sciences cognitives nous apportent des éléments pour juger de la probabilité qu’une interprétation anthropocentrée d’un évènement inhabituel soit générée par l’esprit humain. La physique et la médecine nous apportent des éléments de réponse sur le fonctionnement du corps et de l’esprit humain, et d’exclure la possibilité d’une séparation entre corps et esprit.

Bref, la science est loin d’être sans armes face à ce genre de question, peu importe que celle-ci porte sur l’inexistence d’une chose ou non.

L’impossibilité logique de l’existence de fantômes n’est certes pas prouvable, mais la science, c'est-à-dire l’ensemble des connaissances et techniques cohérentes avec l’observation du réel, a tranché depuis longtemps. Pour autant que la notion de preuve ait un sens, la science a prouvé que les fantômes n’existaient pas, à moins de réviser sérieusement la notion de fantôme.

De même pour Dieu. La science n’est pas agnostique, contrairement à ce que beaucoup voudraient croire. Dieu, tel qu’il est défini par les grandes religions, est une proposition physique sur le monde dont les effets sont vérifiables. Si cette proposition est déconnectée de la réalité, si la croyance en Dieu s’explique sans Dieu, si la genèse des religions est expliquée de façon scientifique, alors la science assigne une probabilité de véracité à la question « Dieu tel que décrit par les grandes religions existe-t-il ? », et cette probabilité est basse.
Seule la version non-réfutable de Dieu, le Déisme selon Spinoza, échappe à la science, par définition.

Bref, pour moi, l’affirmation selon laquelle la science ne peut statuer sur l’inexistence d’une chose est non fondée. Elle n’est pas seulement imprécise, mais relève d’une mauvaise compréhension du concept de preuve ou de la science elle-même, et mène à dire de grosses bêtises.

Oui, la science a son mot à dire sur l’existence des fantômes, sur Dieu, sur les licornes roses invisibles (contrairement à ce que je t’ai répondu un peu vite sur le topic). Pourquoi ? Parce que la science n’est pas un simple catalogue des choses qui ont le bonheur d’exister. La science, c’est un outil permettant d’assigner une probabilité à toute proposition reliée au monde réel d’une façon ou d’une autre. Elle statue donc sur toutes les propriétés, et ne se retire de la partie que quand il n’y a plus de propriétés à vérifier (et donc plus de sens).

La science est extrêmement faillible bien sûr, elle l’a prouvée nombre de fois, mais la science n’est jamais qu’un outil qu’il nous est loisible d’adapter à notre subjectivité.