18 février 2009

Bon vieux temps

Imaginez un bébé mignon, un bébé qui vous regarde avec ses grands yeux humides en gazouillant. Vous l’avez bien en tête, oui ? Bien. Et maintenant imaginez mon poing à mi enfoncé dans son crâne mou, son petit corps sans vie se refroidissant déjà dans son berceau maculé de sang. Je l’ai fait. Je suis un monstre.

Le bébé, c’est mon après-midi productive. Mon poing dans son crâne, c’est le temps perdu à surfer sur le web plutôt que travailler. Ma métaphore horrible, c’est l’introduction absolument dénuée de bon goût de ce billet.

Blague rituelles sur les bébés morts mise à part, quelle, allez-vous me demander, oui quelle portion de cette grande suite de tubes qu’est l’Interouaibe aurait donc réussi à attirer ton attention, Ô respecté auteur de ce blog s’il en est (et il en est, j’ai vérifié deux fois) ? Et la réponse est édifiante. Pendant cette demi-journée, morte dans des souffrances atroces et après moult convulsions et autres gargouillements, j’ai lu mon blog. Mon propre blog.

Et j’ai aimé. Fausse comme vraie modesties mises à part, j’ai vraiment apprécié la lecture de la plupart de mes billets, ce qui à première vue de nez n’était pas gagné. Les gens changent, le goût et l’humour se transforment. Mais je dois dire que, presque cinq ans après mon premier billet, mon blog a dans l’ensemble passé, à mes yeux infaillibles, le test du temps. Je me propose de me féliciter, j’accepte, félicitations, merci moi aussi.

Pour enchaîner sur mon questionnement existentiel d’il y a peu, je pense aujourd’hui pouvoir dire que je sais pourquoi je blogge. Je blogge pour faire passer au futur moi du bon temps à relire ses conneries écrites et oubliées depuis. Personne n’a, après tout, un sens de l’humour aussi proche du mien ou autant d’expériences et d’idées en commun avec moi que le futur moi. Personne n’est à même d’apprécier mes billets autant que lui. Futur moi, si tu me lis, tu es un mec génial, surtout ne change rien, c’est comme ça qu’on t’aime. J’ai dit que tu étais un mec génial ? On ne le dit jamais assez.

J’aimerais aussi remercier mon ancien moi pour avoir pris le temps de laisser traîner des petits morceaux de sa vie, de ses pensées, de ses traits d’humour – excellents, soit dit en toute objectivité – toutes ces petites choses qui m’ont ramené de bons souvenirs en tête, m’ont fait rire comme un con dans mon laboratoire saturé de Chinois, et m’on fait penser « ah oui c’est vrai, je pensais ça à l’époque ». Comme un album photo qui capture les pensées, mon blog m’a fait rentrer dans la peau un peu plus boutonneuse de mon ancien moi, et pour cela, ancien moi, je te remercie, même si j’éprouve un irrépressible sentiment de supériorité envers toi. Je ne te félicite pas trop, cependant, pour le lent mais régulier déclin dans ton rythme de publication, vile feignasse. Etant en tout point meilleur que toi, je vais bien entendu redresser la barre, mais regarde dans quel état tu m’as laissé tout ça. Hein ? Hein ? T’es fier de toi ? Ah pardon, j’ai oublié, tu ne peux pas répondre, tu es mort.

Marvin Minsky, dans son dernier livre, ‘The Emotion Machine’, nous explique en quoi nous sommes un tas de cons de croire à l’illusion de continuité du ‘soi’ construit par l’esprit humain. « Pauvres couillons », écrit Minsky, « en quelques moi seulement quasiment toutes les molécules de votre corps on été changées. Qu’est-ce qui vous fait dire, bande d’attardés de mes deux, que vous restez les même ? Regardez-moi ce ramassis d’abrutis, pas un pour rattraper l’autre, allez vous me faites tous chier, je me casse [bruit de porte claquée très fort]. » Et comme il a raison !

Non seulement l’ancien et le futur moi n’ont matériellement quasiment rien en commun avec le moi actuel, mais même leur esprit, ce que beaucoup appelleraient leur vrai ‘moi’, a lui aussi changé radicalement. Des souvenirs ont été oubliés, d’autres se sont ajoutés. De nouvelles idées ont remplacé les anciennes, de nouvelles compétence ont été apprises et d’autres désapprises. Le moi d’il y a quatre ans est un ami proche. Le moi de mon adolescence est une vague connaissance, celui de mon enfance, un étranger, un peu plus mort chaque jour.

« Mais alors, Chris » - me demanderez-vous – « pourquoi es-tu si généreux avec le toi futur, au point même de passer des heures à écrire des choses pour son divertissement. Ok, c’est un gars génial, mais toi aussi tu es un gars génial, passe donc du temps pour toi ! » C’est vrai que j’en passe, du temps, à pouponner ce moi du futur. Etudes, sport, apprentissages fastidieux en tout genre, économies, plans pour l’avenir, il n’y en a quasiment que pour lui. Et pourquoi ? Hein ? Vous voulez savoir pourquoi ? Et bien vous l’avez dit, c’est parce que moi aussi, je suis un gars génial. Je donne, je donne, sans compter, et le sourire de mon moi futur suffit à me faire oublier ma peine. Je suis un généreux par nature.

Mais si je blogge pour moi, je blogge aussi pour le reste du monde, bien sûr. Toi qui me lis, l’anonyme, le sans grade, sache que qui que tu sois, quel que soit ton nom, et qu’importe le nombre de fonctionnaires dans ta famille, je pense à toi au moment même où tu lis ces lignes, et je t’aime comme plus personne ne t’aimera jamais. Jamais. Toi aussi tu es une fille ou un mec génial, et tu le resteras aussi longtemps que tu liras ce blog. Je te fais de gros bisous et espère que tu aimes lire ce blog comme j’aimerai le lire plus tard, à mes petits-enfants en mimant bien les passages à base de meurtre de nourrissons.

Onctueusement,

Chris

05 février 2009

Déjà-vu récursif

Yo dawgs, je viens d'avoir une impression de déjà-vu récursive: j'avais l'impression d'avoir déjà eu l'impression de déjà-vu que j'étais en train d'avoir.

C'est fou non ?