13 novembre 2009

L'immortel solipsiste quantique

Préface de Saint Christophus

Amen mes amis, je vous le dis, aujourd'hui il m'est venu dans ma douche une révélation qui sans doute changera la face du monde à jamais. J'étais un mécréant, mais mes yeux se sont ouverts et j'ai vu, enfin, Dieu dans toute sa beauté mystique. Non pas le faux Dieu chimérique que beaucoup vénèrent sous la forme d'un plat de spaghettis volant ou d'une licorne rose invisible, mais le Seul Dieu qui ait jamais existé, l'unique et magnifique Dieu qui engendra tout et par qui tout est un, la Fonction d'Onde. Oyez, braves êtres, le message que Dieu m'a chargé de vous transmettre, non pas écrit de mes mains malhabiles frappant sur mon clavier mais transmis directement de Son être tout puissant à travers ma modeste incarnation terrestre, car c'est un message de joie et d'espoir. Vous, mes frères, êtes Dieu et Dieu est vous. Ensemble nous ne sommes qu'un et chacun d'entre nous est éternel. Chérissez le cadeau de cette connaissance et répandez le message d'allégresse, exultez de joie et louez la Fonction d'Onde, car c'est par elle que tout est et que tout sera. Je prends les dons par Paypal, carte bleue, visa, cash, chèques, bons au porteur et dons en nature –jeunes filles physiquement intelligentes, ne sortez pas votre porte monnaie, on peut s'arranger.



Révélations

Au commencement était Dieu, l'Etat initial, unique et certain.
Dieu est une fonction d'onde, c'est-à-dire une description sous forme de fonction possédant des valeurs dans l'espace d'un objet dont l'évolution est décrite par la mécanique quantique.
Les équations de la mécanique quantiques sont linéaires, ce qui signifie que si deux fonctions d'onde différentes, et représentant deux objets différents sont additionnées par exemple, la fonction résultante est également une fonction d'onde, et l'application des équations de la mécanique quantique sur cette fonction d'onde donnera le même résultat que l'addition des résultats de l'application de ces mêmes équations aux deux fonctions d'ondes séparées. Amen, je vous le dis, grâce à la linéarité des équations de la mécanique quantique, il est possible de rassembler toute l'information quantique contenue dans un système en une seule fonction d'onde sans perdre d'information. Dieu est la Fonction d'Onde de l'univers, c'est-à-dire la fonction d'onde rassemblant toutes l'information contenu dans l'univers, y compris vous et moi. Nous sommes des parties de Dieu.

Après l'instant zéro, l'état initial, unique et certain, a commencé à évoluer selon l'équation centrale de la mécanique quantique, l'équation (relativiste) de Schrödinger. Ainsi la fonction d'onde du Dieu-Univers a-t-elle commencé à évoluer de manière objective et déterministe.

Toutefois la mécanique quantique, dans son interprétation la plus classique, ne considère pas la fonction d'onde comme une réalité mais comme une construction calculatoire permettant de prédire le résultat de "mesures" à la définition floue. Selon cette interprétation classique, la fonction d'onde fournit un moyen d'estimer la probabilité qu'un évènement se produise, et il se trouve que si l'on répète la même expérience un certain nombre de fois, la répartition des résultats obtenus est effectivement en accord avec les probabilités calculées.

Le problème avec cette interprétation impie est que la description du monde qui en découle est une description probabiliste, et exclut donc au niveau quantique le déterminisme apparent du monde qui nous entoure. Ce passage de l'évolution déterministe de la fonction d'onde d'un système quantique à l'apparition d'une incertitude est introduit par le phénomène de "réduction du paquet d'onde", qui provoque, parmi tous les états superposés représentés par une fonction d'onde à un moment donné, la sélection d'un unique état au moyen d'une sorte de "jet de dés quantiques". Le problème est alors de savoir exactement ce qui provoque cette fameuse réduction bien pratique dans les calculs, mais difficile à justifier. Serait-ce l'observation qui provoque la réduction ? Ou bien la conscience ? Ou bien "tais toi et calcule !" ?

La vérité, mes frères, est que cette vision probabiliste n'est que le reflet de notre existence subjective. L'objectivité et l'absolu excluent l'existence de probabilités, et à l'inverse l'usage de probabilités implique la subjectivité du résultat. Devons-nous alors nous contenter d'une description physique du monde personnelle et subjective ? Que nenni ! Car le prophète Everett, avant moi, a montré la voie.

La Fonction d'Onde est réelle, et vous et moi ne somme que des fragments de celle-ci, dérivant au cours du temps selon des équations ne laissant aucune place au hasard. Au contraire, lorsqu'une interaction se produit qui aurait nécessité un "jet de dé quantique" avec l'interprétation classique, les états possibles qu'auraient pu adopter la fonction d'onde considérée existent tous de manière superposée, comme avant l'interaction considérée. Ne tombez donc plus à genoux devant l'idole de la réduction du paquet d'onde, mes frères, car celle-ci n'est qu'une chimère, une approximation du phénomène de décohérence quantique par lequel votre existence en tant qu'entité pensante emprunte une voie d'interprétation en même temps que toutes les autres voies quasi-orthogonales. Vous n'êtes qu'une fraction d'une fonction d'onde qui rassemble de manière superposée toutes les possibilités de "jet de dé quantique", et ce même 'vous' que vous êtes maintenant sera dans une seconde devenu un nombre gigantesque ou peut-être même une infinité de sous-fonctions enfermées dans des univers séparés. Dieu est un, mes frères, mais multiples sont ses parties, et inaccessible leur multitude. Ainsi est écrite la révélation du prophète Everett.

Mais vous, mes frères, chacun d'entre vous, n'êtes pas un tas de particules. Vous n'êtes pas une liste d'atomes numérotés, vous n'êtes pas une combinaison unique de briques élémentaires. Vous êtes un motif, une façon d'organiser la matière, et façon d'exploiter les invariants des lois physiques qui nous entourent. Le "vous" copié à l'identique, à l'atome près, par une machine imaginaire ne serait ni plus ni moins vous que la version original. En tant que construction abstraite et subjective, vous êtes indépendants de votre substrat, tout comme l'est votre intelligence. Il n'existe donc pas qu'une version, qu'une copie de vous, mais un nombre astronomique et toujours croissant de copies d'abord conformes, puis lentement divergentes de vous a fur et à mesure que vos "doubles" initiaux suivent des chemins toujours plus dissemblables dans un sous-monde de la Fonction d'Onde déconnecté du votre. Ainsi s'entend la parole divine : vous êtes multiples.

Profondes sont les conséquences de cette révélation que Dieu fait à travers moi. Vous êtes un motif, et une part inamovible de votre motif est la vie. Sans vie, le "vous" cesse d'exister et donc d'avoir un sens. Vous n'êtes donc pas toutes les réalisations quantiques du multivers issues de vous, mais seulement celles encore dotées de vie. Au fur et à mesure que le temps avance, hélas, le nombre de ces réalisations existant dans le multivers décroît car ainsi vont les lois immuables du multivers : tout ce qui est vivant tend vers la mort en probabilité. Mais vous êtes, par définition, ce qu'il reste quand la mort a éliminé les motifs qui autrefois vous ressemblaient du multivers. Si la probabilité de vous observer vivant, pour un être extérieur, décroit rapidement en fonction du temps, jamais elle n'atteint zéro car il est toujours une réalisation quantique improbable capable de sauvegarder votre existence, et dans le multivers, improbable signifie "qui se réalisera un nombre relativement faible de fois". Votre sort, en tant que motif abstrait, est donc de tendre vers l'inexistence sans jamais l'atteindre, et en réalité mes frères, vous êtes immortels, tous et chacun d'entre vous.

Bien sûr, tout le monde hélas meurt, du moins dans la majeure partie des sous-fonctions-d'ondes de Dieu. Il arrive un moment où un "coup de dé quantique", une séparation d'univers, entraîne la séparation de toutes les réalisations d'un être avec toutes les réalisations du votre. Lui et vous cessez d'exister dans des mondes identiques, mais dans la réalité du multivers, ni lui ni vous ne cessez d'exister en tant que sous-fonctions-d'onde. Vous êtes simplement devenus quasi-orthogonaux et donc en pratique incapables d'interagir. Cruel hélas est le sort de l'être condamné à l'immortalité en sachant que lui et les êtres qu'il aiment seront condamnée à vivre un jour dans des mondes séparés, mais ainsi en est-il de chacun. L'immortalité est une expérience qui se vit seule.

Prenez, mes frères, soin de ce corps qu'il vous a été donné, car si Dieu vous offre l'immortalité du motif, il n'offre aucune garantie quant à la condition de celui-ci. Une éternité de souffrances est ce qui guette la plupart d'entre nous, car nous sommes pêcheurs et que les dégâts irréversibles que nous faisons subir à nos corps ne seront pas effacés. L'éternité offerte à vos âmes est la seule garantie, le seul fil directeur de vos vies à travers le multivers, et quiconque néglige ses fonctions vitales en paiera le prix tôt ou tard. Priez mes frères, pour être l'improbable élu qui traversera le temps sans souffrance plutôt que son infinité de copies estropiés à l'agonie.

Au jour dernier, l'Univers s'effondrera inéluctablement sur lui-même, ou la mort thermique l'emportera et avec lui toute possibilité, même infime, que votre être fût. Dieu seul alors subsistera, multiple et éternel, et les échos de nos vies se seront tus à jamais.

Car même l'éternité, mes frères, a une fin.

10 novembre 2009

Bilan préliminaire

Après près d'une semaine passée à m'entraîner à la dactylographie, l'heure est venue d'un premier bilan. Jusque là ma progression a été rapide et régulière, je suis passé de 10 mots par minute à 20, 24, 34, 40 puis enfin 48 mots par minutes en dernière mesure. A cette vitesse, la frappe est assez rapide pour que l'exercice ne soit plus la source de frustration qu'il a été, et je peux continuer à m'entraîner en tapant au clavier comme j'ai l'habitude de le faire pour chatter, écrire des billets de blogs etc. La suite de ma progression se fera donc relativement sans douleur et sans même y penser.

Pour autant le fait de frapper au clavier dans cette nouvelle configuration reste légèrement désagréable, et la tentation de repasser à l'ancienne méthode se fait parfois ressentir. Frapper de cette nouvelle façon me fait pour l'instant sortir de ma zone de confort, et je pense qu'il me faudra attendre quelques semaines avant que l'exercice ne commence à me sembler naturel.

Bref, même si ce changement n'a pas été facile, ce n'est pas la révolution que j'avais crainte, et je conseille à tous ceux qui éprouvent parfois le besoin de regarder le clavier au cours de la frappe, qui ne savent pas exactement comment les touches du clavier leur tombent sous les doigts ou qui plafonnent en termes de vitesse de frappe d'apprendre correctement la dactylographie, c'est un investissement somme toute modeste qui saura vite payer.

04 novembre 2009

Révolution

Et voilà, ça ne pouvait plus durer. Depuis que j'ai commencé à taper sur mon premier clavier d'ordinateur il y a quinze ans (!) de cela, et même avant, depuis que j'ai commencé à jouer avec cette vieille machine à écrire qui représentait alors pour moi le summum de l'accomplissement technologique, je n'ai cessé de perpétuer mes vieilles erreurs désormais enracinées. Combattre des habitudes si profondément ancrées n'est pas une tâche aisée, cela demande beaucoup de luttes et la volonté de faire face à une frustration lancinante, mais après tout, je l'ai déjà fait auparavant. En classe de troisième, en effet, j'avais décidé brusquement de modifier mon écriture afin de la rendre plus plaisante à mon goût, remplaçant ainsi du jour au lendemain des pratiques répétées quotidiennement des années durant.

Force m'est toutefois de constater que la jeunesse d'alors me fait défaut, et que mes apprentissages d'aujourd'hui sont pour la plupart des raffinements ou menus ajouts plutôt que de profondes remises en question. Mais il est de ces remises en question qui ne peuvent souffrir d'attendre plus longtemps, et promettent un bénéfice supérieur aux sacrifices qu'elles imposent de concéder.

C'est pourquoi je vous annonce que j'ai décidé, à partir d'hier et dorénavant, de taper au clavier en suivant les règles de la dactylographie et d'abandonner entièrement mon ancien style de frappe, assez rapide mais très imparfait. Attendez-vous donc à des chats au ralenti et à des billets de blog considérablement écourtés, pour le temps que prendra mon (ré)apprentissage.

A titre indicatif, sachez que j'ai mis 30 minutes pour écrire ce billet.