10 novembre 2009

Bilan préliminaire

Après près d'une semaine passée à m'entraîner à la dactylographie, l'heure est venue d'un premier bilan. Jusque là ma progression a été rapide et régulière, je suis passé de 10 mots par minute à 20, 24, 34, 40 puis enfin 48 mots par minutes en dernière mesure. A cette vitesse, la frappe est assez rapide pour que l'exercice ne soit plus la source de frustration qu'il a été, et je peux continuer à m'entraîner en tapant au clavier comme j'ai l'habitude de le faire pour chatter, écrire des billets de blogs etc. La suite de ma progression se fera donc relativement sans douleur et sans même y penser.

Pour autant le fait de frapper au clavier dans cette nouvelle configuration reste légèrement désagréable, et la tentation de repasser à l'ancienne méthode se fait parfois ressentir. Frapper de cette nouvelle façon me fait pour l'instant sortir de ma zone de confort, et je pense qu'il me faudra attendre quelques semaines avant que l'exercice ne commence à me sembler naturel.

Bref, même si ce changement n'a pas été facile, ce n'est pas la révolution que j'avais crainte, et je conseille à tous ceux qui éprouvent parfois le besoin de regarder le clavier au cours de la frappe, qui ne savent pas exactement comment les touches du clavier leur tombent sous les doigts ou qui plafonnent en termes de vitesse de frappe d'apprendre correctement la dactylographie, c'est un investissement somme toute modeste qui saura vite payer.

04 novembre 2009

Révolution

Et voilà, ça ne pouvait plus durer. Depuis que j'ai commencé à taper sur mon premier clavier d'ordinateur il y a quinze ans (!) de cela, et même avant, depuis que j'ai commencé à jouer avec cette vieille machine à écrire qui représentait alors pour moi le summum de l'accomplissement technologique, je n'ai cessé de perpétuer mes vieilles erreurs désormais enracinées. Combattre des habitudes si profondément ancrées n'est pas une tâche aisée, cela demande beaucoup de luttes et la volonté de faire face à une frustration lancinante, mais après tout, je l'ai déjà fait auparavant. En classe de troisième, en effet, j'avais décidé brusquement de modifier mon écriture afin de la rendre plus plaisante à mon goût, remplaçant ainsi du jour au lendemain des pratiques répétées quotidiennement des années durant.

Force m'est toutefois de constater que la jeunesse d'alors me fait défaut, et que mes apprentissages d'aujourd'hui sont pour la plupart des raffinements ou menus ajouts plutôt que de profondes remises en question. Mais il est de ces remises en question qui ne peuvent souffrir d'attendre plus longtemps, et promettent un bénéfice supérieur aux sacrifices qu'elles imposent de concéder.

C'est pourquoi je vous annonce que j'ai décidé, à partir d'hier et dorénavant, de taper au clavier en suivant les règles de la dactylographie et d'abandonner entièrement mon ancien style de frappe, assez rapide mais très imparfait. Attendez-vous donc à des chats au ralenti et à des billets de blog considérablement écourtés, pour le temps que prendra mon (ré)apprentissage.

A titre indicatif, sachez que j'ai mis 30 minutes pour écrire ce billet.

28 octobre 2009

Sélection de webcomics

Pas de long et tortueux billet aujourd'hui, simplement une liste de webcomic que je lis(ais) et que j'apprécie.


Geek stuff:
http://www.phdcomics.com (spéciale dédicace à Endive)

Webcomics en tous genres:

Défunts:

Et un français que tout le monde connaît pour finir:

Certains sont faciles à lire, d'autres non, certains vous correspondront, d'autres pas du tout. Quoi qu'il en soit, vous savez maintenant comment perdre votre temps.

Bonne lecture.

15 octobre 2009

Intelligence artificielle, calcul et métaphore

Plusieurs lecteurs (lectrices en fait) se sont plaint de la longueur excessive de mes billets. Je leur dédie celui-ci.


Une brève histoire de l'intelligence

Tout a commencé il y a fort, fort longtemps, alors que l'univers, déjà vieux de plus de 7 milliards d'années, n'était encore constitué que de matière inanimée. Quoi qu'en y réfléchissant, inanimée est peut-être un mauvais terme, après tout. On ne peut pas dire que les gigantesques supernovas qui avaient animé la jeunesse de notre univers se soient passées en douceur, ni que les énormes trous noirs galactiques n'aient gobé des étoiles entières sans un minimum d'animation. Sur notre planète même, après que celle-ci se fût formée à grands renfort de collisions cataclysmiques et que les volcans aient ensuite déversé leurs milliards de tonnes de lave à travers la croute refroidie de notre planète, la matière inanimée semblait bien mal mériter son nom.

Mais à ce moment même, quelque part sur Terre, une infime fraction de la matière inanimée, une vague poussière stellaire venait par hasard de prendre un caractère à part, d'acquérir une qualité qui la distinguerait désormais du reste du monde. Elle était devenue vivante. Le phénomène était survenu tout à fait par hasard, et n'aurait pas semblé, à l'œil non exercé, plus admirable que l'émergence d'ordre à partir du chaos que constitue la formation d'un flocon de neige, ou d'une tornade. Et pourtant, cet ordre là avait quelque chose de particulier qui le plaçait à part.

Cette particularité, c'est la capacité à reproduire l'improbable. Dans la nature, l'improbable, par définition, survient peu souvent. L'émergence spontanée de formes complexes est un phénomène lent, et rare. En s'affranchissant de la nécessité du hasard, la vie a rendu possible l'apparition de formes extrêmement complexes, donc extrêmement improbables, en un temps raisonnable. Bien sûr, le hasard est toujours présent dans l'évolution de la vie, mais son importance est drastiquement diminuée par la "mémoire du hasard" que constitue l'information génétique. De créateur de complexité, le hasard devient moteur.

La transition entre un hasard créateur et un hasard moteur ne s'est toutefois pas faite immédiatement, bien au contraire. Personne ne sait vraiment à quoi ressemblaient les premiers "réplicateurs", c'est-à-dire les premières molécules capable de se recopier à l'identique en piochant les éléments nécessaires à leurs besoins dans la soupe primitives dans laquelle ils baignaient, mais il ne fait que peu de doutes que ces réplicateurs étaient des constructions extrêmement simples au regard même d'une algue unicellulaire. Il a fallu au vivant, avant d'explorer en profondeur la complexité, apprendre à faire bon usage du hasard, maximiser sa capacité à en tirer parti. Apprendre à apprendre, en quelque sorte. C'est pourquoi l'organisme le plus complexe vivant sur Terre fût, pendant les trois premiers quarts de l'histoire de la vie Terrienne, une algue bleue. Cette période gestative de la vie fût nécessaire au développement de l'arsenal moderne du vivant parmi lequel figurent l'ADN, la reproduction sexuée et les mécanismes de réparation du matériel génétique, grâce auquel les être vivants purent stocker de manière fiable de grandes quantités d'information tout en tirant parti le plus rapidement possible des mutations bénéfiques.

Cette capacité accrue a permis l'apparition graduelle de formes complexes, organismes pluricellulaires, chordés, vertébrés et mammifères par exemple. Bien sûr, l'évolution n'exige pas l'augmentation systématique de la complexité des êtres vivants, mais elle la rend possible, et rend ainsi possible l'augmentation graduelle de la complexité des créations de l'évolution et l'improbabilité de ces mêmes créations.

Or il se trouve que l'une de ces créatures improbables s'est trouvée dotée, par la force des choses, d'une propriété étonnante qui la distingue de la masse des choses vivantes, tout comme les choses vivantes se distinguent de la masse des choses inanimées. Cette capacité, encore une fois, a trait à la transmission d'information et à la génération de complexité, mais ce en quoi elle se distingue du vivant est sa rapidité incomparable. Cette capacité s'appelle l'intelligence.

Bien sûr, la créature improbable dont je parlais est l'Homme, mais elle n'est pas la seule, loin s'en faut, à être dotée d'intelligence. Il s'est simplement trouvée que l'espèce humaine aura été poussée, plus qu'une autre, à exploiter la niche écologique de l'intelligence, à tel point que d'outil commode elle est devenue un générateur de complexité plus rapide que notre Terre n'en avait jamais connu. A un point durant l'évolution du cerveau humain, celui-ci est devenu assez flexible et puissant pour permettre la libre combinaison et association de symboles mentaux, et les capacités de communication humaines on permis la perpétuation de ces associations de symboles, que l'on appelle la culture, le savoir, la langue. Tout comme le vivant avait quelques milliards d'années auparavant franchi un seuil d'efficacité permettant l'apparition presque instantanée à l'échelle géologique d'espèces complexes, le cerveau humain a franchi un seuil de raffinement qui a rendu la distinction entre l'intelligence humaine et les autres formes d'intelligence existantes non plus seulement quantitatives mais aussi qualitatives, avec les conséquences que l'on connaît.

L'intelligence en général, et l'intelligence humaine en particulier, se distinguent donc avant tout à mon sens par leur capacité inégalée à générer la complexité. Beaucoup d'espèces s'en servent, à travers l'éducation des petits, pour perpétuer l'existence de comportements trop complexes pour avoir été intégralement codés dans le génome tels les attitudes de chasse ou la confection et l'utilisation d'outils. L'homme, à travers le développement du langage oral, puis de l'écriture et enfin des réseaux de communication à grande échelle, a exploité à fond ce mécanisme et rendu possible la création et la reproduction rapides de complexité indépendamment de son matériel génétique.

L'apparition de la vie, de l'intelligence, du langage, de l'écriture, des réseaux de communications globaux et enfin de l'informatique sont autant d'innovations qui ont permis une génération de complexité toujours plus rapide et l'apparition de motifs toujours plus improbables. Pour autant, l'intelligence humaine, création naturelle, n'est encore pas capable de créer des motifs capables de rivaliser en complexité avec les créations de l'évolution, qui a certes pris quelques milliards d'années d'avance. Nous serait-il possible de recréer après quelques milliers d'années d'Histoire à peine ce que la nature a mis pas moins de trois milliards et demi d'années à créer ? Pouvons-nous espérer créer une intelligence artificielle ?

Interprétation et métaphore

Je dois maintenant m'excuser pour la manipulation honteuse à laquelle je viens de me livrer envers vous. J'ai en effet utilisé votre intuition et votre maîtrise du langage pour faire passer comme évidents et naturels des concepts qui ne le sont pas, et je vous ai honteusement fait croire à l'existence de choses qui n'existent pas. Mais quoi donc ?

La vie tout d'abord. Qu'est-ce vraiment que la vie ? La physique nous enseigne que, pour autant qu'elle est concernée, l'univers se réduit à l'interaction de champs et de particules élémentaires, sans sens ni but. Ces interactions peuvent être décrites formellement par des équations mathématiques, elles sont immuables et universelles. Ceci constitue le crédo du physicien.

Une des conséquences de ce principe est que la matière vivante n'est en rien distincte, aux yeux de la physique, de matière "inanimée", ordinaire. Elle ne semble pas posséder de réalité objective. De même, les phénomènes remarquables et que nous considérons comme beaux, ordonnés ou particuliers, les étoiles, les flocons de neige, les aurores boréales, ne possèdent en aucune façon une existence propre aux yeux de la mécanique du monde, ils ne sont qu'amas de particules en interaction avec d'autres particules.

Si l'intelligence humaine peut se passer de la connaissance de ces particules fondamentales pour comprendre le monde qui l'entoure, c'est que l'on ne lui a pas donné le choix. Ces particules, pour fondamentales qu'elles soient, sont imperceptibles aux sens humains, de même que sont imperceptibles les atomes, les molécules et les cellules, bref, tout ce qui nous constitue et dont nous ignorons pourtant superbement l'existence la majeure partie du temps sans problème. L'évolution nous a doté des sens et outils mentaux les plus à même de favoriser notre survie, et il se trouve que ceux-ci sont s'appuient non sur une description fondamentale et objective du monde, mais sur une simplification extrême de celui-ci, un modèle où des objets macroscopiques interagissent et possèdent des propriétés, mais il est important de se rappeler que ces objets, cette table, ce plafond, ne possèdent pas de réalité objective. Ils sont une représentation simplifiée du monde, basé sur les régularités de celui-ci, c'est-à-dire sur les motifs répétés que l'interaction de milliards de milliards de particules fondamentales fait émerger.

L'intelligence est donc fondée sur l'analogie, la métaphore. Elle consiste à constater que dans le monde, "tout se passe comme si" les objets conçus par l'intelligence étaient réels, et liés à d'autres objets ou concepts par des liens simples. En liant les objets par des relations simples, elle donne du sens au monde, un sens dérivé mais indépendant des propriétés des particules fondamentales constituant les objets considérés.

Ainsi en va-t-il d'une bactérie, par exemple. Une bactérie n'est pas une bactérie parce qu'elle est constituée des bon atomes, situés exactement à la bonne place et interagissant exactement de la bonne façon. Une bactérie est une bactérie parce qu'elle présente les bonne propriétés, et que ces propriétés restent stables dans le temps, et ce indépendamment de la configuration individuelle des particules élémentaires qui constituent la bactérie. Ainsi, la modélisation fait abstraction des détails, du substrat duquel émergent les propriétés étudiées. Vous me voyez venir ?

De la même façon qu'une bactérie est une bactérie indépendamment de son substrat, il pourrait être possible de décrire l'intelligence comme une collection de propriétés attachées à un substrat mais indépendantes de celui-ci. Si une telle définition de l'intelligence était trouvé, qui ne dépende ni des particules élémentaires qui constituent la chose intelligente, ni de ses atomes, molécules, cellules ou amas de cellules, il serait possible d'imaginer implanter ces propriétés dans un substrat différent de celui que nous connaissons, fait d'amas de cellules, de cellules, de molécules etc… En comprenant, en modélisant l'intelligence, on la rendrait transférable.

Mais a-t-on réellement besoin de comprendre l'intelligence pour l'imiter ? Pas vraiment. Il est estimé qu'aux alentours de 2050, si le progrès suit son cours, un ordinateur personnel possèdera assez de puissance pour simuler au niveau cellulaire un cerveau humain entier. Un supercalculateur pourrait le faire dès 2035. A moins de penser que le secret de l'intelligence humaine réside à une échelle inférieure à la taille du neurone, il nous sera alors théoriquement possible de créer une intelligence artificielle sans rien comprendre à notre création, en copiant bêtement la nature.

Mais là n'est pas le but des chercheurs en intelligence artificielle. Leur but est bel et bien de comprendre les mécanismes qui président à l'intelligence, en se reposant sur la supposition tacite que ces mécanismes sont beaucoup moins complexes que l'agencement des quelques 100 milliards de neurones (sans même parler des cellules gliales) qui composent nos cerveaux. Puis de transférer ces mécanismes sur le substrat du calculateur.

Les calculateurs

Les calculateurs sont des machines formidables, capables d'effectuer plusieurs milliards de tâches simples chaque seconde. Certains les appellent "ordinateurs", mais les anglophones les appellent calculateurs pour une raison évidente mais de plus en plus ignorée : ces machines ne savent faire qu'une chose, effectuer des calculs. Ce qui nous amène aux systèmes formels.

Un système formel est un ensemble de deux choses: des axiomes et des règles de dérivation. Les axiomes sont une suite de symboles, et les règles de dérivation servent à transformer une suite de symbole en une autre suite de symboles. Ces transformations sont très simples, ce sont des transformations typographiques comme par exemple le remplacement d'un symbole par un autre, le collage de deux suites de symboles ou l'effacement d'un symbole. Ces transformations sont très simples pour la bonne raison que les systèmes formels ont été conçus pour rendre possible la dérivation de théorèmes d'une façon purement mécanique, bref, ils sont au fondement même de l'informatique.

A partir de l'axiome constitué du contenu initial de sa mémoire, et des règles de dérivation définies par le constructeur du processeur d'un ordinateur, l'ordinateur procède à des opérations typographiques simples qui ont pour effet de modifier le contenu de sa mémoire et donc d'aboutir à un nouveau théorème. Bien sûr, la mémoire d'un ordinateur n'étant pas finie, l'ordinateur ne constitue en fait qu'une approximation d'un vrai système formel, approximation la plupart du temps suffisante.

Mais si cette façon de voir un ordinateur peut vous sembler étrange, c'est que je me suis placé ici à un niveau d'abstraction plus bas que le niveau auquel vous êtres habitués. J'aurais pu choisir un niveau d'abstraction plus haut, vous parler d'assembleur, des instructions de copie, des opérations binaires, des opérations arithmétiques. Ou me placer à un niveau plus haut encore, vous parler de boucles, de sauts, de variables. A un niveau de description supérieur, j'aurais parlé d'objets, de structures, de fonctions, de librairies. Ou j'aurais pu choisir un niveau de description plus bas et considérer un ordinateur comme un tas de particules élémentaires. Tous ces points de vue sont vrais dans le sens où ils possèdent leur utilité et aident à comprendre l'objet étudié dans un certain but.

Chaque niveau de description fait abstraction des niveaux inférieurs, car il en est indépendant. Il ne fait aucun doute que lorsque vous jouez au dernier jeu vidéo à la mode, les images affichées sur l'écran ne sont que le résultat de manipulations typographiques dépourvues de sens, du moins en se plaçant à un certain niveau de lecture. De même, se pourrait-il que l'intelligence, présente au dernier niveau de lecture d'un programme, ne puisse être le fruit que de manipulations typographiques vides de sens ? Après tout, n'est-ce pas déjà le cas de l'intelligence humaine, fruit de l'interaction vide de sens d'amas de neurones, de neurones, d'atomes ou de particules subatomiques, selon le point de vue ? C'est en tout cas ce que croient beaucoup de chercheurs en intelligence artificielle : l'intelligence n'est qu'un processus mécanique, un agencement de matière, un motif transposable d'un substrat à un autre.

L'existence de différents niveaux de lecture au sein de systèmes formels n'est pas une exception propre à l'informatique et à quelques exemples savamment choisi. Au contraire, en 1931 un logicien nommé Kurt Gödel a prouvé que tout système formel suffisamment flexible pour être utilisé comme une métaphore des nombres entiers naturels possédait aux moins un niveau de lecture en plus de celui dans le but duquel le système formel avait été créé.
Car un système formel, dans la vie réelle, est toujours créé avec un but. Ce but est exprimé par l'interprétation canonique des suites de symboles typographiques dérivés, c'est-à-dire par les métaphores que ces suites de symboles évoquent. La suite de symboles "SSS0", par exemple, pourra être interprétée comme le successeur du successeur du successeur du nombre 0, c'est-à-dire trois, mais cette interprétation est à la discrétion de celui qui la fait, tout comme la perception de groupes de particules élémentaires sous forme d'objets. Les particules typographiques évoluent dans leur monde en fonction des règles de dérivation, sans sens ni but.

Mais Gödel a montré qu'il était possible, pour tout système formel suffisamment puissant, de trouver au moins une interprétation tout aussi juste que l'interprétation canonique de ce système. Dans cette interprétation, les suites de symboles typographiques dérivées par le système sont interprétées comme des théorèmes parlant du système lui-même! Autrement dit, Gödel a prouvé que dès qu'un système formel devenait suffisamment puissant pour parler de nombres entiers, il devenait automatiquement assez puissant pour parler de lui-même, et il en a profité au passage pour prouver qu'il existait des vérités qu'un tel système était incapable de prouver, et qu'il n'existait pas de méthode pour faire la différence entre une vérité prouvable et une vérité improuvable. C'est une épée de Damoclès qui est suspendue au dessus de la tête de tout mathématicien qui essaie de prouver un théorème. En plus du risque que le théorème soit faux, il existe toujours le risque que le théorème soit vrai mais formellement improuvable, c'est-à-dire qu'il existe une infinité de coïncidences que le formalisme utilisé ne puisse pas réduire à une règle générale.

De même que les systèmes formels complexes peuvent s'interpréter à plusieurs niveaux, le cerveau humain pourrait-il être compris comme un empilement de couches dont la couche la plus haute, la couche des idées, pourrait seule être interprétée comme intelligente. Ainsi, d'opérations purement mécaniques, de manipulations de symboles chimiques, naîtrait l'intelligence si flexible que nous connaissons.

Car après tout, si l'ordinateur ne sait faire que ce que l'on lui dit de faire, que fera-t-il quand on lui dira d'être intelligent ? Il s'agit pour nous de casser le code, de comprendre d'agencement des idées, les motifs compliqués qui régissent la vie des symboles mentaux, indépendamment des neurones, indépendamment des atomes du cerveau humain. Comprendre, modéliser l'intelligence humaine.

Il existe une thèse, formulée par Alonzo Church puis Alan Turing (thèse de Church-Turing), qui suppose que tout ce qui peut être calculé peut l'être par des moyens mécaniques. Cette thèse ne peut être prouvée, car elle repose sur le terme vague "ce qui peut être calculé", mais elle est aujourd'hui quasi-universellement acceptée. Si l'on accepte que le comportement sur une certaine période de temps finie de toutes les particules élémentaires constituant un cerveau humain peut être calculé avec une précision arbitraire, alors cette thèse revient à dire qu'il est possible de simuler aussi parfaitement que souhaité l'intelligence humaine à l'aide d'un ordinateur, c'est-à-dire que l'intelligence ne dépend pas d'un substrat particulier.

L'ordinateur, loin d'être un simple calculateur, serait donc une machine quasi-universelle, capable de tout simuler, y compris l'intelligence. Mais l'intelligence simulée d'un ordinateur n'en serait pas moins réelle que l'intelligence simulée de nos tas de matière grise et blanche, ou peut-être devrais-je dire, pas plus.

Alors, quand l'intelligence naturelle, imparfaite et bricolée par la nature, donnera-t-elle naissance à l'intelligence artificielle, si la chose est, comme je le crois, possible ? Avec quelles conséquences ?

L'Homme, remis à sa banale place par Galilée, par Darwin et par Freud, découvrira alors qu'il n'est unique en rien. Mais ce qui définit le mieux l'humanité n'est-il pas cet enchevêtrement d'idées, de mots et d'images que nous transmettrons à nos héritiers plantés dans un substrat différent, détachés de la chair ?
Ils seront les enfants de notre intelligence.

25 septembre 2009

Simplicité

J'ai la flemme d'essayer de la retrouver, mais je suis tombé récemment sur une citation dont voici une version approximative : "On ne devrait jamais chercher la solution d'un problème avant d'avoir atteint la certitude que l'on a examiné le problème de manière la plus pointue possible".

A première vue, il semble que cette phrase ne déparerait pas dans le répertoire de quelque manager de province généreux en buzzwords et de maximes prédigérées. Pourtant, cette phrase a résonné dans mon esprit, et m'a semblé recéler une vérité et une pertinence rafraîchissantes. Vous savez, ce sentiment que l'on a quand toutes les pièces d'un puzzle mental semblent soudain former un tout intelligible, quand le motif émerge ?

Le motif a émergé pour moi quelques jours après avoir entendu la phrase, comme une révélation à rebours. Je lisais à ce moment un livre traitant de la conscience et de la nature de ce que l'on appelle le "moi". Alors plongé, et même passablement embourbé dans les considérations complexes de l'auteur, je me suis soudain aperçu que les choses devenaient incroyablement plus simples si l'on se demandait simplement pourquoi l'on appelle quelque chose "une conscience", ou "un soi". Poser le problème clairement consistait en ce cas à dépasser la compréhension intuitive et plus ou moins vague du terme "conscience", et à la remplacer par une compréhension des raisons qui poussent à appeler une chose une conscience, par rapport au but recherché.

Le risque d'épiloguer sur l'usage d'un mot flou aux sens multiples est omniprésent en philosophie (surtout de comptoir), mais je pense que la méthode simple consistant à se faire une idée précise du problème et de son domaine précis d'application possède une utilité bien au-delà de la philosophie et de la métaphysique. C'est, après tout, l'un des fondements implicites de la méthode scientifique.

Ces considérations sont banales, mais j'ai l'impression que malgré moi je tends à les oublier et me laisse souvent piéger par la complexité, et je me surprends à débattre du sens ou de l'usage précis de mots ou concepts valise. Si ce billet ne devait servir qu'à une chose, ce serait de rappeler au moi futur qui lirait ce billet (ou toute autre entité intéressée) de ne pas perdre son temps avec des concepts flous. A chaque étape d'avancement vers une solution, dans quelque domaine que ce soit, il faut faire l'effort de se souvenir du but initial et du but final, du problème posé.

Qui a dit "ignosticism" ?

13 août 2009

Maniaco-dépression

Il est des soirs où l'inspiration vient facilement, où les mots et les idées semblent se déverser et se tisser d'eux-mêmes et sans effort. Ce soir est l'un de ces soirs.

Je laisse mes mains courir sur le clavier, en profitant d'une de ces trop rares expériences pour produire ce billet, d'un jet, d'un trait et sans préméditation. Tous les soirs, pourtant, je ressens une capacité accrue à créer, à exprimer ce que je pense et ce que je ressens, mais rares sont les soirs où cette envie est suffisamment forte et dirigée pour me pousser à prendre la plume et concrétiser ce besoin plutôt que de l'étouffer, le remplacer par une activité de réception passive plus aisée mais moins gratifiante. Mais la création ne se limite pas à l'activité sociale, visible et palpable par autrui. Tous les soirs, mon esprit crée, invente, trouve de nouvelles idées et élabore des stratégies qui jamais, le matin, ne m'auraient effleuré l'esprit. Tous les soirs je suis un mister Hyde hyperactif à mon échelle, et tous les matins je me retransforme en un raisonnable et réservé docteur Jekyll, réévaluant les idées de la veille et les jetant pour la plupart aux oubliettes.

Mais ce changement de personnalité, instantané en apparence pour l'œil de la conscience, se reproduit à l'inverse et de façon lente et graduelle au fil de la journée. Je suis en continuelle et lente métamorphose psychique. Le soir est une période d'exubérance créatrice, de désinhibition, de facilité d'écriture et d'ouverture. A celle-ci s'oppose la phase matinale où les critiques mentales sont en plein éveil et inhibent le processus 'aventureux' de mon esprit. Les phases 'maniaques' et 'dépressives' s'alternent.

Mais ne t'inquiète pas pour moi, cher lecteur, je vais bien, du moins, tout aussi bien que toi. Car nous sommes tous, finalement, des maniaco-dépressifs en miniature. Dans le mens sana comme dans les autres se succèdent des phases créatrices, génératrices d'hypothèses, et des phases de critique qui viennent réduire le champ des hypothèses envisagées. Ces hypothèses peuvent concerner l'attitude à suivre envers votre voisin trop bruyant comme la façon de saisir un objet placé à proximité d'une main, et, si quelques unes de ces phases sont lentes et accessibles à la conscience, la plupart se déroulent sans même que l'on s'en rende compte. Comme un motif fractal répété de la plus petite décision possible jusqu'aux réflexions à tiroir sur le sens de la vie, ces cycles d'élargissement, puis de réduction du champ des possibles rythment le fonctionnement de l'esprit humain. La plupart de ces cycles sont invisibles à la conscience, qui ne s'embarrasse pas de tels détails, et seuls les cycles de plus haut niveau nous sont perceptibles.

La maniaco-dépression, selon cette théorie, ne serait pas une maladie résultant de l'apparition de 'mouvements d'esprit' contraires, mais plutôt de l'exacerbation de mécanismes existants et normalement utiles à l'esprit humain. Chez le maniaco-dépressif, la phase critique est exacerbée au point de ne voir de bon en aucune chose, quand la phase créatrice ne trouve, elle, au contraire, aucune limite. C'est en ce sens que j'ose, très chère lectrice ou très cher lecteur, te qualifier de "maniaco-dépressif en miniature", c'est-à-dire, finalement, d'esprit sain. J'espère que tu ne m'en voudras pas.

Quant à moi, je m'en vais maintenant retourner à mes pénates, et attendre un sommeil qui n'arrivera qu'après une longue effusion de pensées non dirigées, tout comme ce billet.

Bonne nuit.

22 mars 2009

Konnichiwa

Konnichiwa, comme vous le savez je suis parti passer quelques mois au Japon, dans les environs de Tokyo. Cela fait bientôt trois semaines que j’y suis, mais je n’ai commencé à jouer au touriste qu’aujourd’hui.

Je me suis rendu à Yokomaha, la deuxième ville la plus peuplée du pays. Enfin bon, dans les environs de Tokyo, ‘ville’ n’est qu’une étiquette collée sur un morceau de mégapole géante, et durant mes 1h30 de trajet en train je n’ai rien vu d’autre que des bâtiments alentour, à perte de vue.


Yokohama possède la plus haute tour Japonaise, la « landmark tower », qui mesure un peu moins de 300m. Pas vraiment impressionnant vue d’en dessous, en fait. En bas de l’image vous pouvez voir une passerelle piétonne, qui mène jusqu’à la tour. L’urbanisme Japonais utilise la troisième dimension de manière très poussée, pour optimiser les flux de circulation et la place disponible. La différence est vraiment frappante par rapport à Paris ou Pékin, où tout ou presque se passe au niveau du sol. Le résultat est agréable et efficace, l’on traverse rues et voies ferrées sans même être conscient de leur existence, guidé par des panneaux clairs et aidé par des escalators omniprésents.

La landmark tower vue de loin.


Vue de deux niveaux de circulation depuis une passerelle piétonne.


Yokohama est une ville portuaire, mais même la mer semble avoir été urbanisée ici. Pas d’embruns (ce jour là ?).


Une énorme tour de télécoms.


J’ai visité le Musée Mistubishi de la technologie et de l’industrie. Moyennement instructif, et pas très photogénique. Ici un modèle réduit de moteur de fusée japonaise.


Là, je vous laisse deviner ce que c’est.


Après le musée, je me rends à la landmark tower. Elle possède l’ascenceur le plus rapide du monde (ou en tout cas il l’était en 2004), certification du Guiness à l’appui. L’accélération est pourtant très douce dans l’ascenseur, pas de sensation d’organes internes déplacés, pas de jambes qui ploient sous l’effort, c’est sans même s’en apercevoir que nous atteignons les 45km/h de vitesse de déplacement vertical. A cette allure, les étages défilent à une allure ahurissante, et en un clin d’œil nous atteignons le 69ème, à 274m de hauteur.


D’ici nous surplombons largement tous les immeubles alentour, pourtant de hauteur respectable.
Pas vraiment le meilleur jour pour la vue panoramique. Par beau temps, on voit le mont Fuji paraît-il.


En croisant les doigts pour que le big one choisisse un autre jour pour détruire Tokyo.


274 mètres. Bien mais pas top.


Un mystérieux « I love peace » à côté du musée d’art que je n’ai pas eu le temps de visiter.


Oui, cette tour de télécom est obèse.


Les Japonais aiment les escalators.


Et les Pokémons.


Et oui, ceci est un magasin dédié aux Pokémon uniquement.


Parfois, les transports en communs sont bondés. Souvent, non. Je trouve toujours une place assise pour me rendre au labo.


China town de Yokohama, pour changer. C’est un peu comme la Chine, mais en plus exubérant, cher, et propre (après, il paraît que ça ressemble à Shanghai, je ne peux pas confirmer ou infirmer).


China town se résume à un restaurant Chinois à l’échelle d’un quartier. On n’y trouve absolument rien d’autre. Mais c’est joli.





Un temple dédié au Dieu des affaires. A comparer à sa version française, la rue Montgallet.





Une diseuse de bonne aventure lit les lignes de la main. Comme quoi finalement il n’y a pas que des restaurants.


Je voulais photographier le gros bâtiment de style chinois au bout de la rue, mais c’est ici que mon appareil photo et mes talents photographiques jettent l’éponge.

Et pour conclure, une vidéo d’une invention géniale typiquement Japonaise : le distributeur automatique de voiture.



Bon voilà j'ai bloggé, mais on ne m'y reprendra pas de si tôt, du moins pas pour poster des photos, ça prend trop de temps. La prochaine fois, je mettrai les commentaires direct sur mon picasa (dont l'adresse a changé).

Sayonara.